mardi 29 octobre 2013

Rajasthan novembre 2013

Mardi 29 octobre 2013. Je profite de la dernière soirée avant le départ pour Roissy pour terminer les bagages, choisir le livre qui m'accompagnera pendant quinze jours, passer les derniers coups de fil aux amis et à la famille et feuilleter le guide sur les chapitres consacrés à nos premières destinations. Je suis curieux comme rarement, souvent je pars à la découverte de régions inconnues mais là je retourne trente six ans après sur les lieux d'un de mes premiers grands voyages lointains et exotiques. Les surprises seront surement au rendez vous.C'est pour cela que je suis impatient.

DELHI  1er novembre 2013.
La journée d'hier ne compte pas, passée à voyager entre la France et l'Inde. Même si les conditions sont confortables et le service d'Air France impeccable il n'en reste pas moins que l'on passe son temps à attendre, à faire la queue et finalement les sept heures de vol sont un moment agréable, comparé à tout ce qui se passe avant et à tout ce qui nous attend après.
Effectivement le nouvel aéroport de Delhi ne ressemble pas à l'ancien, c'est comme vouloir comparer le Bourget des années 1950 et le Roissy d'aujourd'hui. Sur le chemin de l'hôtel je ne me rends pas compte si la ville a changé, il fait nuit et je n'ai qu'une envie rejoindre un lit confortable pour une bonne nuit. Il est déjà une heure trente en heure locale et notre seule journée dans la capitale politique de l'Inde commencera de bon matin.
A 8h30 Man notre guide pour tout le séjour et notre chauffeur ainsi que son assistant nous attendent, ponctuels comme des coucous indiens. A première vue les choses ont beaucoup changé depuis mon dernier voyage à Delhi qui remonte à février 1977, bientôt 37 ans. Comme dans toutes les grandes villes du monde la modernité balaie tout sur son passage, la largeur des routes principales a été multipliée par deux, le nombre de voitures a été multiplié par dix, les travaux du métro paralysent la ville, les embouteillages sont inextricables, tout le monde se promène un téléphone portable à l'oreille, les immeubles de verre et d'acier souvent très laids poussent comme des champignons mais dans le même temps les échoppes de fruits et légumes n'ont pas changé, les voitures tractées par les ânes assurent le ravitaillement dans les ruelles du vieux Delhi, les ordures ne sont toujours pas ramassées et les ambassadors de trente ans font la joie de leurs propriétaires.   
Notre première visite est pour la mosquée Juma Masjid construite entre 1644 et 1658 par les Moghols. On est surpris par les dimensions gigantesques de la cour dont le milieu est occupé par un bassin servant aux ablutions et le contraste entre le marbre blanc des coupoles et le grès rouge des constructions.

Nous quittons la mosquée par un escalier monumental pour atteindre la quartier de Matia Mahal, quartier typique du vieux Delhi où se côtoient les vendeurs d'offrandes et de souvenirs, les marchands de fruits et légumes mais aussi les cuisiniers qui préparent les plats dans d'énormes chaudrons noirs. Nous continuons à pied vers les bazars de Chandni Chowk où nous subissons notre premier bain de foule.

Je suis venu en Inde en 1977, ensuite je suis allé en Chine, aux Philippines, en Amérique du sud, dans les grandes villes d'Afrique mais nulle part ailleurs qu'ici je n'ai eu cette sensation écrasante, étouffante, d'une pareille densité humaine. Tout se confond, s' agrège, les hommes, les femmes, les vaches, les vélos, les voitures, les charrettes, les rickshaws dans un désordre et un bruit indescriptibles. Pour retrouver un peu de calme nous nous sommes réfugiée au Mahatma Gandhi Park lieu de crémation du leader de l'Inde après son attentat en 1948.
Après Old Delhi nous passons par New Delhi et son quartier aux bâtiments politiques distribués harmonieusement le long de larges avenues. Au bout, pour barrer la perspective le palais présidentiel faisant face à la porte de l'Inde, monument érigé à la mémoire des 100 000 soldats indiens morts pendant la première guerre mondiale. 
L'après midi commence par la visite du mausolée d'Humayun, classé à l'Unesco en 1993 comme modèle de tombe-jardin moghole.. L'ensemble, antérieur au célèbre Taj Mahal, fut bâti en 1565 par une veuve éplorée en l’honneur de son défunt mari néanmoins empereur. En repartant nous faisons un arrêt au tombeau d'Isa Khan, jolie tombe octogonale à véranda construite dans un jardin bucolique. 
Fabienne est derrière l'objectif
Pour autant la journée n’était pas terminée, et avant de rejoindre l'hôtel nous devons affronté les célèbres embouteillages de Delhi.
Le mausolée d'Humayun


Le tombeau d'Isa Khan


La réalité une fois encore dépasse les cauchemars les plus fous tellement la circulation est ici inextricable. Si vous avez un avion à prendre mieux vaut partir la veille pour être certain d'arriver à l'heure. Heureusement, pour nous remettre ,Jean Pierre avait apporté depuis Orange deux bouteilles de champagne pour fêter dignement l'anniversaire de la baronne. Tous réunis dans ma chambre nous avons trinqué à la santé de notre copine qui pour quelques jours (Élisabeth a quinze jours de différence avec moi)  est la jeune doyenne du groupe. 

 Avant les libations certains sont partis visiter le quartier, sorte de place Vendôme locale où les bijoutiers rivalisent d'imagination et de luxe pendant que les autres profitaient d'une liaison internet pour donner des nouvelles à la famille et aux amis restés en France. Pour ce soir pas question de ressortir et d’affronter les embouteillages, nous dinerons tranquillement sur la terrasse de l'hôtel et profiterons de la nuit de Delhi avant un long sommeil bien mérité. Demain de nouvelles découvertes mais surtout une longue route nous attendent. 


LE SHEKHAWATI  2 novembre 2013.
 Le petit déjeuner avalé nous prenons la route en direction de Nawalgarh, petite capitale de 60 000 âmes du Shekhawati, mais dès les premiers kilomètres les incidents nous font craindre que le trajet ne sera pas une simple promenade de santé. D'abord nous avons des problèmes avec la roue arrière gauche et notre chauffeur doit s'arrêter à plusieurs reprises pour laisser son assistant intervenir pour vérifier si tout est bien normal. Quelques kilomètres plus loin s'est la transmission qui donne des signes de fatigue, mais cette fois pas question de continuer et nous devons stopper une bonne heure pour laisser l'assistant chauffeur et les mécaniciens locaux réparer notre bus. Finalement tout rentrera dans l'ordre mais au final nous aurons perdu deux heures.
Je suis stupéfait par le développement de Delhi et de sa banlieue; comme en Chine les nouveaux quartiers pouvant accueillir plusieurs dizaines de milliers de familles poussent comme des champignons,  les centres commerciaux gigantesques, les usines ou les centres d'affaires surgissent de la campagne comme les coquelicots dans les champs au début de l'été. 
Quand nous arrivons à Nawalgarh la journée est déjà bien avancée et malheureusement pour les photographes le soleil n'est plus de la fête.

Au fil des rues nous découvrons d'innombrables "haveli", imposantes maisons patriciennes aux murs recouverts de peintures. Ces fresques murales, souvent naïves, représentent des scènes de la vie locale, chasse au tigre, défilé d'éléphants, caravanes, mais aussi le passage du train ou la découverte de la machine à coudre. Malheureusement les habitants n'ont ni les moyens ni l'envie de protéger et restaurer ces merveilles d'un autre âge. Là une descente de gouttière coupe en deux une procession d'éléphants, ailleurs des antiquaires peu scrupuleux ont découpé une fresque au profit d'un riche amateur. Si rien n'est fait, si les associations de défense du patrimoine n'apportent pas aux locaux les moyens nécessaires à la restauration il est à craindre que dans vingt ans il ne restera rien de ces merveilles.  

En fin de promenade nous visitons une maison privée dont les murs du petit salon sont recouverts, du sol au plafond, de peintures mais aussi de miniatures représentant les ancêtres de la famille. Sur la porte d'entrée un tartarin en grand uniforme de chasseur monte la garde. Sur le chemin du retour en direction de notre hôtel nous traversons le marché, les échoppes du coiffeur, du pharmacien ou du couturier sont toujours ouvertes comme celle du marchand de fruits et légumes  ou celle du vendeur de friandises aux couleurs criardes.
Nous passons la nuit dans une superbe maison ancienne transformée en hôtel et même si un rafraichissement ne serait pas inutile, l'endroit a un charme certain et nous profitons de la grandeur de la chambre des Durand pour inaugurer nos traditionnels apéritifs du soir. Pour aujourd'hui pas d'anniversaire à fêter et chacun retrouve sa boisson préférée. 


BIKANER  3 novembre 2013.
Avant de prendre la route pour Bikaner nous finissons sous le soleil du matin la visite des "haveli" de Nawalgarh. Nous profitons du calme pour répondre à l'invitation d'un habitant et visiter une maison. Au centre on trouve une petite pièce destinée à la prière, dans la cour une fontaine et tout autour la cuisine et les chambres. Tout est propre et clair ce qui n'empêche pas une vache curieuse de pointer son nez par la porte. 





Ce matin les rares "haveli" restaurées sont ouvertes et notamment la haveli Poddar bâtie en 1902 ou Bhagat Haveli. Toutes ces constructions sont bâties sur le même modèle, d'abord une première cour autour de laquelle s'organisent les pièces de réception, puis une seconde cour donnant accès à un étage où se déroulait la vie privée. Ces belles demeures sont le plus souvent vides, laissées à la garde d'un chowkidar (gardien) qui vit dans la première cour pendant que les riches propriétaires font des affaires à Bombay ou ailleurs se fichant des dégradations de leurs propriétés. 

La route vers Bikaner est longue et fastidieuse malgré quelques arrêts pour photographier des enfants. Nous traversons le désert du Thar, le paysage est monotone, fait de sable jaune et d’épineux rachitiques où il n'y a pas grand  chose à voir. Chacun sommeille, écoute de la musique, regarde un film sur son ordinateur ou rêve aux splendeurs passées du Rasjasthan. 
Les cénotaphes de Devi Kund

A notre arrivée notre première visite est pour Devi Kund où une impressionnante série de cénotaphes marque l'endroit où se tenaient les bûchers funéraires des rois et de leur famille.
Avant la visite du fort de Junagarh nous profitons d'un  moment de calme pour déjeuner à la terrasse du restaurant face aux murailles de grès rouge. Avant d'arriver au palais, ancienne résidence des maharajas de Bikaner, il faut traverser une première porte où l'on peut toujours voir la marque des mains des satis, puis une seconde recouverte de piques menaçantes rivées dans le bois servant à contrer les assauts des éléphants de combat.

Après avoir traversé plusieurs cours on arrive enfin au joyau du fort, l'Anup Mahal, ensemble de pièces d'une incroyable richesse,
L'Anup Mahal
tant par la qualité des peintures murales comme dans le salon des nuages, ou la profusion des incrustations de verre



coloré comme dans le salle du trône. Partout de l'or, encore de l'or et toujours de l'or; ailleurs cela serait incongru, prétentieux, au pire de mauvais goût. Ici tout cela semble naturel tellement l'imaginaire des maharajas rime avec luxe et magnificence. 
Pour aujourd'hui nous n'en avons pas encore fini avec le luxe et la vie de roi; en effet ce soir nous logeons à Gajner dans l'ancien pavillon de chasse du maharaja Ganga Singh. Cet immense palais de grès rose construit auprès d'un lac nous plonge dès le verre de bienvenue offert dans l'atmosphère victorienne de la fin du XIX éme siècle.
La décoration est un modèle du genre, partout des tissus rayés ou à fleurs, des moquettes épaisses à dessins, des meubles en acajou massif et dans ce domaine la salle à manger fait figure d'exemple. Ce soir nous prenons l'apéritif dans les jardins, à l'abri des grands arbres, au doux son d'un petit orchestre local, les plus audacieux se risquant même à quelques pas  de danse à l'invitation de charmantes créatures.
Demain matin nous profiterons d'un moment de calme pour faire une agréable promenade le long du lac, accompagné par les cris des oiseaux et les acrobaties des singes.  


JAISALMER  4 et 5 novembre 2013.

Ce matin la route est encore longue et le paysage du désert du Thar est tout aussi monotone que la veille. Heureusement en chemin nous avons un arrêt à Mandevra petit village du Rajasthan mais grand centre de pèlerinage. Comme partout avant d'arriver au sanctuaire où les fidèles viennent déposer leurs offrandes aux pieds d'une statue d'argent il faut traverser les stands de souvenirs et de friandises. Ce matin il n'y a pas encore trop de monde et avec la débrouillardise de Man nous doublons la queue des familles indiennes qui attendent patiemment leur tour. Dans un local, un peu à l'écart de la foule, un prêtre pose au milieu du front  des hommes enturbannés le point de poudre rouge de la fraternité. 


Autre arrêt à Kichan, lieu magique, où en hiver des milliers de grues demoiselles se réunissent autour du lac Gadi Sar, fuyant les frimas de l’Asie centrale pour la douceur du désert. 
En début d'après midi après six heures de route nous arrivons enfin à Jaisalmer et la première visite est pour le lac Gadi Sagar. Nous sommes deux mois après la fin de la mousson, les pluies ont été abondantes, aussi le niveau de l'eau est encore haut. Pour arriver sur les rives on passe sous la porte Tila Ki Pol du nom de la favorite du prince. Les familles indiennes profitent des congés pour venir faire ici du cabotage ou du pédalo autour des petits temples construits au milieu du lac.
Ce soir nous ne rentrerons pas dans la ville, au contraire nous nous en éloignons pour aller sur le site des cénotaphes des brahmanes d'où la vue sur les remparts est à couper le souffle. Devant le panorama on comprend comment les Bhattis on pu résister à l'envahisseur pendant huit ans avant de se lancer dans une dernière attaque sans espoir ressemblant  à un suicide collectif, tandis que les femmes et les enfants se jetaient dans un brasier géant.
 


Quand nous arrivons à l'hôtel la nuit tombe, nous sommes au milieu du désert et soudain surgit devant nous la silhouette du Suryagarh, réplique d'un palais rajpoute du 16ème siècle, avec ses moucharabiehs, son portier en grand uniforme, son tigre naturalisé, ses couloirs à n'en plus finir et son ascenseur digne des maisons de plaisir du Paris de la fin du  19ème. Après avoir récupéré nos chambres les plus courageux piquent une tête dans la piscine couverte parait-il chauffée mais il nous faudra une bonne douche chaude pour nous réchauffer. 

5 novembre 2013.
Nous retrouvons Man aux pieds des remparts et de là nous continuons en rickshaw par les rues étroites et pentues de la ville neuve jusqu'à l'entrée du fort où des jeunes femmes couvertes de bijoux d'argent de la tête aux pieds et téléphone portable à l'oreille nous attendent pour essayer de nous vendre les répliques de ce qu'elles portent. Après avoir traversé quatre portes et gravi la rampe d'accès on arrive sur la place du palais royal.
Le bâtiment n'a ni la majesté, ni la puissance de ses homologues de Bikaner ou de Jodhpur mais sa façade ocre est une merveille de dentelle de pierre. Notre promenade nous conduit le long des ruelles de la ville haute; partout des portes, des balcons, des fenêtres finement ouvragés s'offrent à nos yeux. Ici la pierre est jaune, presque ocre ou dorée selon la lumière, d'une couleur chaude qui met en valeur toute les nuances des turbans des hommes et des saris des femmes.  
Nous atteignons le sommet de la ville, la vue sur la ville neuve et le désert au loin est magnifique. Ici contrairement à ce que nous avons vu depuis trois jours les habitants nettoient les maisons et les ordures sont ramassées. Les femmes lavent à grande eau les cours et le devant des maisons. Si cette propreté est la bienvenue après trois jours d'une crasse innommable elle n'est est pas moins problématique. En effet les systèmes d'égout sont inexistants et les évacuations obsolètes, aussi l'eau s'écoule comme elle peut et ruisselle sur les murailles du fort mettant ainsi  en danger les fondations.
Nos pas nous conduisent vers un ensemble de temples jaïns; période de congé aidant les pèlerins sont nombreux et s'agglutinent devant les entrées. Ici comme ailleurs pour visiter il faut enlever ses chaussures; chacun trouve un endroit facilement identifiable pour se déchausser et à chaque fois je suis heureusement surpris de retrouver mes chaussures à l'endroit même où je les avais laissées un quart d'heure auparavant. Il ne viendrait à l'idée de personne de prendre une paire de chaussures même celles dont la valeur représente plus de dix fois le salaire mensuel d'un indien. Outre les chaussures nous devons également laisser à l'entrée les sacs, bouteilles d'eau et objets en cuir; seuls les téléphones portables ont droit de cité. 
Le temple d'Adinatha



Tant à l'extérieur qu'à l'intérieur ces temples sont des bijoux de sculpture, divinités, figures géométriques ont la finesse du travail de l'ivoire. Pour visiter il faut connaître le mode d'emploi, après avoir enlevé  et laissé ses chaussures à l'entrée il faut, dans le temple, tourner dans le sens des aiguilles d'une montre; ensuite on peut aller se faire bénir par le prêtre drapé d'ocre sans omettre tout travail méritant salaire de lui glisser dans la main quelques roupies. Enfin on peut monter à l'étage pour admirer la coupole décorée d'images du dieu Ganesh.
 Nous quittons la ville haute par des ruelles encombrées de pèlerins et de visiteurs, nombreux sont les jaïns qui viennent au temple seulement revêtus d'un sari blanc contrairement  aux adeptes du sud de l'Inde qui vont entièrement nus. Paradoxalement ces adeptes d'une stricte austérité ont amassés des fortunes immenses dans le commerce et l'industrie.



 A partir du 17ème siècle la ville a commencé à s'étendre hors du fort et de riches commerçants ont fait construire de magnifiques haveli dans la ville basse. Toutes sont de pures merveilles avec des façades finement ciselées souvent gardées par des éléphants de pierre. Certaines se visitent comme Salim Singh Ki Haveli ou Patwon Ki Haveli, d'autres ont transformé des pièces en boutique de souvenirs et on ne peut pas échapper à la fureur commerciale des tenanciers qui usent de tous les moyens pour vous retenir.

Le temps passe trop vite et même si nous ne sommes pas en Espagne nous en avons pris les horaires et il est plus de trois heures quand nous nous arrêtons sur une jolie terrasse dominant la ville basse pour nous reposer et nous sustenter. Cet après midi seuls les plus courageux continueront une courte visite pendant que les autres, les plus nombreux, rejoindront l’hôtel pour un court moment de farniente et de cartes postales. Ce soir nous mettrons les petits plats dans les grands et profiterons de cet endroit magique pour nous offrir un bon dîner dans les jardins au doux son de la musique indienne.  

JODHPUR  6 novembre 2013.
Ce matin le départ est matinal, nous avons une longue route avant d'atteindre Jodhpur la ville bleue et sa forteresse de Mehrangarh. 
La route est toujours aussi monotone, du désert, encore du désert, des épineux, toujours des épineux. Heureusement parfois nous croisons quelques maisons perdues au milieu de nulle part et aussitôt des enfants se précipitent.En chemin nous visiterons l'une de ces maisons et ferons la connaissance de toute la famille des grands parents aux petits enfants; nous prendrons une leçon de pose de turban, travail délicat consistant à enrouler autour de la tête une pièce de tissu de neuf mètres pour réaliser la fameuse coiffe que l'on peut mettre et enlever à sa guise.  Les garçons ont droit à leur photo et à ce petit jeu la palme revient à Jean-Gilles battant d'une courte tête Eric et Jean-Pierre. Je les vois bien le matin arriver au bureau la tête coiffée d'un somptueux couvre chef; pour le moins ils se distingueraient de leurs confrères et au mieux ils assureraient la promotion de l'étude.
Nous n'étions pas encore au but; pour atteindre la forteresse de Mehrangarh il faut traverser la ville basse qui ne présente aucun intérêt si ce n'est la pollution et des constructions modernes aussi laides que sans grâce, puis prendre l'ancienne route à travers la ville bleue. Tout le long du chemin les vues sur la forteresse sont saisissantes, "le Fort de la Majesté" est un véritable nid d'aigle perché sur un piton rocheux entouré par une muraille de dix kilomètres.
Mais avant la visite du fort nous commençons par le Jaswant Thada, cénotaphe de marbre blanc situé dans un joli jardin et dédié à la mémoire du maharaja
Jaswant Singh II, prince de Jodhpur en 1890. De son cénotaphe le prince a une vue magnifique sur son palais et l'on comprend le choix d'un pareil lieu pour les cérémonies de crémation. La statue équestre du bonhomme est érigée à l'entrée du jardin, regard fixé vers la ville bleue.
Cinq minutes de car et nous arrivons à l'entrée de la forteresse; la foule est dense et nous avons toutes les peines du monde à nous frayer un chemin pour atteindre l’ascenseur pris d'assaut par les familles en vacances. Le contraste entre l'extérieur du bâtiment, forteresse aussi impressionnante qu'austère et l'intérieur, palais des mille et une nuits, est saisissant.  Nous passons de cour en cour en suivant le sens de la visite du musée. Là des figurants costumés aux turbans bariolés semblent nous attendre pour la photo, plus loin la salle des miniatures et celle des palanquins et armes. Tout est fait pour impressionner le visiteur et lui rappeler la magnificence qui a régné ici jusqu'à l'indépendance de l'Inde en 1947. 








Nous atteignons enfin la grande terrasse d'où la vue sur la ville bleue 120 mètres en contrebas est magnifique. Au loin l’imposante silhouette de Umaid Bhawan se détache; cette résidence royale a, pour sa plus grande partie, été transformée en hôtel de luxe en 1977. J'ai eu le bonheur d'y demeurer plusieurs jours l'année de son inauguration;  heureusement pour moi les prix d'alors étaient loin de ce qu'ils sont devenus aujourd'hui. Je me souviens des tigres naturalisés sous l'immense dôme d'entrée, des défenses d'éléphants au dessus de chaque porte de chambre, de la salle à manger grande comme la galerie des glaces, mais surtout du maharaja et de son épouse qui dans leurs plus beaux atours venaient diner avec nous. Maintenant les choses ont bien changé, l'hôtel est un palace international qui a perdu de son charme d'antan. Pour ce soir nous nous contenterons de l'ancienne ferme du maharaja dont les chambres sont installées dans les anciennes écuries datant de quatre cents ans. Nous dinerons à la lumière des lampes à huile sous les arbres centenaires du parc. 
Mais avant d'en arriver là nous quittons la forteresse à pied pour rejoindre la vieille ville et le Sadar Bazar célèbre pour sa tour de l'horloge. Ici l'activité est frénétique chacun vantant avec des arguments bruyant sa marchandises, épices, bijoux de pacotille, objets en laiton, ou marchand de tissu. Petit arrêt chez un marchand d'épices et de thé pour faire les courses, acheter des souvenirs sympas pour les copains ou reconstituer les stocks de la maison d'Espagne.  


RANAKPUR  UDAIPUR  7 novembre 2013.
Ce matin avant même le petit déjeuner nous faisons une belle promenade dans le parc de la ferme. Nous partons à la découverte de l'incroyable piscine à la colonnade de grès rose, des arbres majestueux et des écuries où l'on découvre les célèbres chevaux marwari aux oreilles incurvées, signe caractéristique de leur race. 
Après le petit déjeuner nous opérons un arrêt dans un magasin d’antiqués et de tissus. Les meilleures résolutions du monde fondent comme neige au soleil devant la splendeur des plaids, des houses de couette ou des écharpes en vigogne. Bien évidemment chacun repartira avec un paquet plus ou moins gros mais c'est la règle du jeu. 
Nous arrivons à Ranakpur en début d'après midi pour la visite des temples qui sont avec ceux de Mount Abu et Palatina les plus beaux de l'art jaïn. Construits au 15ème siècle, puis abandonnés et restaurés au 19ème ils sont un mélange de  raffinement  et d'opulence qui montre la puissance de la communauté jaïne. Certains adeptes viennent revêtus d'un sari blanc en signe de renoncement, un masque devant la bouche pour éviter d'avaler un insecte ne voulant faire de mal à aucune créature. 
Avant de pénétrer dans l'enceinte il faut quitter ses chaussures mais aussi abandonner tous les objets en cuir. 

La façade extérieure du temple d'Adinatha est hérissée d'une nuée de petites tours, en son milieu un escalier imposant donne accès à la cour et au sanctuaire où l'on découvre une forêt de 1 400 piliers de marbre blanc tous sculptés d'une façon différente.

 

Ce décor chargé pourrait être d'une effroyable lourdeur alors qu'au contraire il est d'une incroyable légèreté. Je croise un jeune moine à la moustache très british; contre quelques roupies il me pose au milieu du front un peu de poudre de safran en signe de paix  puis nous engageons la conversation en anglais qu'il maitrise parfaitement.  Il m'explique que pour le moment il a décidé de consacrer sa vie à la religion jaïne et son choix l'a conduit à accueillir les pèlerins à Ranakpur. Comme tous les moines il a prononcé les cinq vœux : non violence, sincérité, honnêteté, célibat-chasteté, non possessivité. On trouve là des ressemblances avec le bouddhisme, voire avec des ordres religieux occidentaux.Je n'ai pas pu savoir si l'engagement des moines est définitif ou, comme pour les bonzes il s'agit d'un engagement temporaire qui peut être renouvelé plusieurs fois.

Les autres temples du site sont plus petits et moins intéressants mais de  la terrasse du temple de Parshvanatha on bénéficie d'une vue magnifique sur le temple d'Adinatha; et comme il faut bien choisir un endroit pour la célèbre photo de groupe tout le monde prend la pose devant la balustrade pendant de Man est à la manœuvre. Je ne résiste pas au plaisir de faire figurer ce chef d’œuvre dans les photos du récit. 
A l'approche d'Udaipur le paysage se fait plus verdoyant, preuve indéniable de la présence d'eau; effectivement, en regardant bien, on devine des système d'irrigation et à l'entrée d'un village nous nous arrêtons près d'une noria en fonctionnement. Plusieurs paysans, hommes et femmes font tourner un bœuf pour remonter de l'eau dans des petits récipients attachés les uns ou dessus des autres. L'eau ainsi remontée à la surface se déverse dans un canal principal qui dessert des canaux plus petits qui constituent à eux tous un système d'irrigation astucieux et vieux comme le monde. 

Quand nous arrivons à Udaipur il fait déjà nuit. Notre hôtel, le Kankarwa Haveli, ancien petit palais familial, est situé dans la ville ancienne au bord du lac Pichola. De ma chambre située au rez de chaussée, en me penchant un peu, je pourrai toucher l'eau avec la main. L'architecture de ce palais n'a rien de simple avec des escaliers aux marches irrégulières dans tous les sens qui distribuent des chambres ou des grandes suites, certaines avec terrasses, d'autres sans. Le temps de prendre possession de nos chambres, de prendre connaissance des mails et de boire l'apéritif il est déjà l'heure d'aller dîner. Pour ce soir nous décidons de rester sur place, demain il fera jour et nous aurons le temps de dénicher un restaurant à notre goût au bord du lac. 


UDAIPUR  8novembre 2013.
Ce matin nous prenons notre petit déjeuner sur la terrasse de notre hôtel; la vue sur le lac Pichola et les bâtiments et palais qui le bordent est magnifique. La lumière joue entre le bleu porcelaine du lac, l'ocre des palais et le blanc immaculé du Lake Palace qui semble flotter au milieu des eaux. Il se dégage de l'ensemble un calme et une sérénité rares en Inde, sous-continent du bruit et de la foule. 
Nous quittons l'hôtel à pied, direction le temple de Jagdish bâti en 1651 en l'honneur de Jagannatha, seigneur du monde.

 Pour atteindre le sanctuaire il faut grimper un escalier impressionnant au pied duquel des femmes vendent des fleurs destinées aux offrandes. L'entrée du sanctuaire est  gardée par deux éléphants de pierre  où les sadhus et les moines viennent se reposer. Je les soupçonne de se mettre là pour attirer les photographes et recueillir ainsi quelques roupies.
Après le temple nos pas nous conduisent vers le City Palace, plus grand palais du Rajasthan constitué de plusieurs bâtiments accolés dont la longueur totale dépasse cinq cents mètres. Cet ensemble dont la construction a duré plus de quatre siècles est, malgré les différences de style allant du moghol au rajput en passant par le baroque, d'une réelle harmonie. 





Après avoir franchi la porte à triple arches de l'entrée on arrive sur une grande esplanade et immédiatement on est frappé par la différence entre les principaux palais du Rajasthan et le palais d'Udaipur. Autant les autres palais  ont, à l'extérieur, un caractère sévère dû à leur destination militaire, autant à Udaipur rien de tel. Ici tout est douceur, luxe et volupté; on devine que le palais était destiné aux plaisirs, aux fêtes et aux femmes. De là on pénètre dans le City Palace Museum. On passe alors de cour en cour en traversant les appartements privés du Maharaja et de la Maharani, des collections de miniatures ou d'armes. On est émerveillé par les petits salons aux murs décorés de miroirs et par les mosaïques de pâte de verre colorée et les paons recouvrants les murs de la cour Mor Showk. 
En sortant du City Palace notre préoccupation est double, trouver un endroit pour nous restaurer à midi et réserver dans un restaurant pour ce soir. Avec l'aide efficace de Man ce sera chose faite rapidement.

 Après le repas de midi nous reprenons notre bus en direction du jardin des demoiselles où, pour faire couleur locale, Saheliyon Ki Bari. Ce ravissant jardin a su conserver son charme d'antan et nous nous promenons au milieu des parterres de fleurs, des pelouse et des fontaines avec les familles indiennes qui profitent des vacances pour visiter Udaipur. Nous sommes très loin de la saleté des rues de la vieille ville de Bikaner, de la foule du marché de Jodhpur. Ici nous avons l’impression d'être dans une autre Inde, une Inde calme et sereine, loin de la fureur des villes et de leur trépidation permanente.






Pour rester dans la douceur de vivre Man nous amène au débarcadère pour une promenade en bateau privé sur le lac Pichola. Pour respecter les consignes de sécurité nous devons enfiler de ravissants gilets de sauvetage orange vif. Effectivement la navigation est un enchantement; nous partons d'abord vers le nord en longeant le City Palace, notre hôtel, les ghats où les familles se rassemblent pour admirer le paysage; puis nous revenons sur nos pas pour faire le tour du Lake Palace, énorme pièce montée blanche plantée au milieu du lac, avant de faire une halte dans un ancien palais transformé en restaurant où le fils du maharaja local surveille les préparatifs de son dîner de fiançailles.  
Quand nous revenons vers l'embarcadère le soleil descend et tous les bâtiments du City Palace prennent une douce couleur mordorée; on croirait des illuminations.Nous rentrons à pied à notre hôtel et notre chemin nous conduit  vers la grande façade, côté cour, du City Palace entièrement  illuminée d'une belle lumière dorée qui met en faveur la pierre et les incrustations. Tout cela a un petit coté féérique. On s'attend à tout instant à voir arriver le maharaja dans son palanquin en bois doré, garni de velours rouge,  arrimé sur son éléphant personnel caparaçonné. 

 Tout cela restera un rêve, pour l'instant présent le programme annonce lecture des mails, douche et apéro sur la terrasse de la chambre des Clavel d'où la vue sur le lac vaut tous les films en cinémascope, enfin dîner de l'autre côté du lac, au bord de l'eau, à l'abri des grands arbres.


DEOGARH  9 novembre 2013.
Je quitte Udaipur avec regret, la ville est un véritable enchantement. Il a trente sept ans je n'étais pas venu jusque là, je le regrettai, voila une erreur réparée. 




Aujourd'hui nous avons une étape de transition; pas de site majeur mais une promenade dans la campagne du Mewar. Cette partie sud du Rajasthan est moins aride, le désert laisse la place à une campagne verdoyante.  Mais nous sommes en Inde et pas question de faire cent kilomètres sans trouver des temples justifiant une visite. Pour aujourd'hui l'arrêt sera pour Nagda, petit cité fondée au 7ème siècle  dont les temples dédiés à Vishnou datent du 10ème. Les temples construits en briques sont recouverts de charmantes statues représentant des danseuses ou des musiciens. Nous sommes bien loin de la profusion de Ranakpur, ici tout est calme, amour, tranquillité et élégance.
Quand nous arrivons à Deogarh il n'est pas question de rejoindre le Mahal Palace transformé en hôtel avec notre bus, les rues sont beaucoup trop étroites pour permettre le passage. Aussi nous montons tous dans une vieille jeep qui doit dater de l'époque britannique et notre chauffeur en grand uniforme, vareuse noire, culotte et bottes de cheval et béret sur la tête nous conduit à bon port. Il est déjà presque quinze heures mais pas question de manquer le déjeuner dans la magnifique salle à manger meublée de meubles d'acajou massif foncé. 
Dans l'après midi nous parcourons la campagne mal assis sur des chars à bœufs conduits par des hommes enturbannés avant un arrêt au bord d'un lac pour une légère collation de fin d'après midi.


Tout y est, le thermos de thé, les petits gâteaux typiquement britishs, le panier d'osier et la nappe en coton; pour un peu on se croirait revenu en 1947 avant l'indépendance, au temps révolu de la splendeur des maharajas. Tout cela est maintenant oublié.


PUSHKAR JAIPUR  10 novembre 2013.   
Pushkar est célèbre  à deux titres, d'abord c'est la ville sainte de l'hindouisme et son lac est le plus sacré de toute l'Inde pour les hindous si bien que certains parlent de l'endroit et de ses ghats comme d'un petit Bénarès. Ensuite et surtout l'endroit est connu dans le monde entier pour sa foire aux dromadaires qui commence avec la pleine lune d'Octobre novembre et les fêtes de Divali. Coup de chance, nous sommes pile à la bonne époque et la foire bat son plein. Depuis plusieurs années Pushkar est devenu le nouveau Katmandou et aujourd'hui des jeunes du monde entier viennent y découvrir les charmes cachés et interdits de l'Inde profonde. Tout cela donne à la ville un petit coté bohème joyeux où les occidentaux  viennent défier les indiens dans des matchs de foot endiablés.





Mais nous ne sommes pas là pour voir les uns battre les autres mais pour nous plonger dans la ville, flâner dans la foire, déambuler le long des ghats et saluer Brahma dans le sanctuaire qui lui est dédié.
Après un petit tour sur le champ de foire pour admirer les chevaux, les dromadaires caparaçonnés, les acrobates, les danseurs et les musiciens nous nous dirigeons vers le lac. Jamais, même en Chine, au Vietnam ou en Inde je n'ai vu une foule aussi compacte, aussi dense, aussi déterminée à atteindre les ghats ou le temple de Brahma. Femmes, hommes, enfants, jeunes, vieux, gros maigres, sadhus et autres individus sont agglutinés, collés les uns aux autres comme pour former un seul corps déterminé à atteindre son but. Quand nous arrivons au lac nous sommes abordés par les brahmanes qui veulent nous "vendre" des pétales de rose et autres offrandes à jeter dans le lac pour notre bien être spirituel et celui de nos proches. Tout cela ressemble à une grosse arnaque et nous passons notre chemin sauf Man mais sa démarche est normale en sa qualité de local de l'étape. 



Quand nous retournons vers le temple la foule est toujours aussi dense et nous avons toutes les peines du monde à frayer notre chemin jusqu'à une sorte de café où nos pouvons laisser nos chaussures, appareils photos, ceinture et objets en cuir dans une consigne fermée par des cadenas. Pour monter les escaliers du temple il faut impérativement éviter de se faire écraser par les familles indiennes qui ne reculent devant rien pour passer devant vous. Arriver au sanctuaire les policiers avec de grandes perches en bambou essaient de réguler la foule et le temps accordé à chacun pour ses dévotions. L'épreuve terminée nous retrouvons toutes nos affaires et continuons notre promenade en direction du marché aux animaux. En ce début de foire les dromadaires ne sont pas encore très nombreux, les vedettes arriveront plus tard, par contre le marché aux chevaux bat son plein. On trouve de tout, des petits animaux un peu malingres mais aussi de superbes étalons bien alignés sous des tentes qui servent d'écurie. Dans les allées vendeurs et acheteurs négocient lors de longues palabres qui peuvent durer de nombreuses heures. Quand l'affaire est conclue l'objet de la transaction monte dans le camion de son nouveau propriétaire pour partir vers de nouvelles aventures.  
L'heure avance, aussi Man nous conduit dans un hôtel à l'écart du centre ville à l'abri de l'agitation et à proximité d'un jardin où nous pouvons nous restaurer au calme avant de prendre la route pour Jaipur. La route sera longue et nous arriverons au Alsisar Haveli à la nuit tombée.
Sur le chemin je me suis assoupi et quand j'ouvre les yeux j'ai une mouche dans l’œil gauche, sur le moment je n'y prête pas attention pensant qu'un bon collyre suffira à faire rentrer les choses dans l'ordre. Au moment de l’apéritif dans la petite cour devant la chambre des Clavel rien n'est rentré dans l'ordre mais je n'y fais pas attention trop occupé à regarder la miniature offerte par les amis à l'occasion de mon anniversaire prochain. Un bon whisky suivi d'un bon dîner et d'une bonne nuit et demain tout ira bien.



JAIPUR  11novembre 2013.
Aujourd'hui la journée va être rude, entre le palais ds vents, le fort d'Amber, le city Palace, l'observatoire, la promenade dans la ville rose nous ne risquons pas d'être au chômage. Depuis hier soir ma vue ne s'est pas améliorée et mon œil gauche continue de m'inquiéter; rien de pire mais rien de mieux non plus. 
Notre premier arrêt est pour le palais des vents, immense façade qui permettait de tout voir sans être vu, gigantesque paravent construit en 1799 au plus grand bonheur des femmes qui pouvaient ainsi observer  la rue en toute tranquillité et en toute discrétion. Il y a trente cinq ans il n'y avait pas de touristes mais les fils électriques défiguraient la façade, aujourd'hui ils ont disparu mais les touristes se bousculent devant le monument. Le temps de faire les photos et nous repartons pour Amber et sa forteresse. Avant d'arriver au but notre car s'arrête à proximité du lac pour les traditionnelles photos de la forteresse se reflétant dans l'eau. Pas question de manquer la photo qu'à mon retour je comparerai à celle prise en février 1977. Rien n'a changé si ce n'est l'âge du photographe; en 1977 je vivais de grands moments de liberté avant de prendre six mois après la responsabilité d'une étude en péril. (les deux photos suivantes datent de février 1977)
Février 1977

Amber février 1977
Je ne résiste pas au plaisir d'intégrer deux photos de l'époque à mon récit. Je vous assure que le jeune homme sur la photo s'appelle bien Gérard et que la jolie dame à mon côté est ma Maman qui était venue me rejoindre au Rajasthan pendant mon périple indien. 
Amber 11 novembre 2013

Pour monter dans la forteresse et accéder au palais deux moyens possibles, soit prendre le chemin piéton,  sauf faire la queue et monter à dos d'éléphant. Comme tout bon touriste nous choisissons ce moyen exotique et après être passé sous plusieurs portes, avoir longé le Dilaram Bagh, charmant jardin moghol, nous arrivons sur le Jaleb Chowk, la grande esplanade qui donne accès au palais. 
Je profite assez mal de la visite mon œil m'inquiétant de plus en plus. D'une petite mouche qui venait et partait je suis passé à une invasion de moucherons et j'ai l'impression de voir à travers une moustiquaire ou une toile d'araignée composée de milliers de petits points noirs. Connaissant le fragilité de mes yeux et les conseils avisés de mon ophtalmo je demande à Man s'il est possible d'obtenir rapidement un rendez vous chez un médecin local. Vingt minutes plus tard Man me confirme que j'ai à midi un rendez vous dans la meilleure clinique de Jaipur. Une voiture et un chauffeur viennent me chercher à la fin de la visite et un interprète m'attendra sur place. Plus que de longs discours je conseille aux curieux de faire un petit tour sur le site de la clinique et ils comprendront pourquoi j'ai été bien soigné. www.kcmeh.com 





J'ai tout de même pu profiter de la visite, retrouver les merveilles du Jai Mandir, ensemble de trois pièces recouvertes des murs au plafond de petits éclats de miroirs mais le plaisir  a été un peu gâché par l'inquiétude sourde qui me tenaillait.  
Je retrouve le groupe vers 13h30 dans le restaurant choisi pour le déjeuner, tous s’inquiètent de ma santé et je les rassure comme le médecin m'a rassuré me confirmant que je pouvais continuer le voyage et prendre l'avion mais qu'il me faudrait consulter d'urgence dès mon retour en France. L'après midi sera un peu pénible, j'ai les yeux dilatés et le soleil m'éblouit même avec les lunettes teintées. 
Après le déjeuner nous commençons par l'observatoire du Jantar Mantar, ensemble d'instruments astronomiques colossaux que le maharaja fit construit vers 1730. On trouve là une horloge astronomique, les signes du zodiac et les deux hémisphères.  J'avais un souvenir précis de l'endroit, mais en 1977 nous étions seuls alors qu' aujourd'hui la foule est dense. 


Après l'observatoire nous visitons le palais de la cité où la famille royale a toujours ses appartements. Nous passons par la salle du trône, le musée et la grande cour où sont conservées les deux grandes jarres en argent de huit mille litres chacune qui ont fait le voyage de Londres remplies  d'eau du Gange lors du couronnement d 'Édouard VII en 1901.
Pour terminer en beauté la journée Man nous avait réservé une petite surprise , une promenade en rickshaw dans le centre de la ville rose. Il est cinq heures du soir et le moins que l'on puisse dire est que nous ne sommes pas seuls.


Nos chauffeurs peinent pour grimper la pente qui permet de passer du palais à la rue et ensuite nous sommes au milieu d'une circulation dantesque; tout se confond et se mélange, les bus, les voitures, les vélos, les mobylettes, les piétons, les vaches, les rickshaws, les carrioles tirées par un cheval ou un dromadaire et au milieu de tout cela nos cinq véhicules qui essaient de trouver un passage. Le vrai miracle est qu'au milieu de se désordre irréel tout le monde finit par trouver son chemin sans avoir embouti quiconque.   


FATEHPUR SIKRI  AGRA  12 NOVEMBRE 2013.
Fatehpur Sikri ou le délire éphémère de l'empereur Akbar. Dans son délire mégalomaniaque, en 1570, pour fêter la naissance de son premier fils, l'empereur décide de déplacer sa capitale d'Agra à Sikri, pour se rapprocher du saint soufi Seikh Salim Chisti qui lui avait annoncé qu'il serait père de trois garçons alors qu'il n'avait pas encore d'enfant. Par malheur il avait oublié que pour vivre il faut de l'eau alors que l'endroit était impossible à alimenter. Dès 1585 la ville fut abandonnée et au début du 17ème siècle une épidémie de peste finit de la vider de ses habitants. 



Aujourd'hui on visite une véritable ville fantôme, les palais sont déserts, les cours sont vides. Tout est paisible, un peu irréel comme hors du temps.  
Et puis après trois heures de route nous arrivames à Agra. Je gardais de l'endroit un souvenir ébloui, celui d'une petite ville de province alanguie le long de la rivière Yamuna et toute tournée vers le Taj Mahal, monument mythique connu dans le monde entier. Depuis trente six ans les choses ont beaucoup changé, de petite ville de province Agra s'est transformée en une ville industrielle moyenne de près de deux millions d'habitants. Les usines de pétrochimie et de l'industrie du cuir se sont largement développées dans la région et les rejets toxiques dangereux pour la population mettent également en péril la blancheur immaculé du marbre du Taj Mahal. Pour ne rien arranger les voies de circulation n'ont pas su s'adapter au développement de la circulation et des embouteillages monstrueux paralysent la ville. Cerise sur le gâteau outre la pollution industrielle ambiante les rues sont d'une saleté repoussante, à croire que les éboueurs sont en grève depuis plusieurs mois. Nous venons à Agra pour admirer pour admirer parmi les plus belles constructions du 17ème et la ville nous reçoit avec une telle agressivité qu'à peine arrivé on se demande si cela vaut le coup de rester. 




Cet après midi pas question de commencer par la fin, nous gardons la visite du Taj pour demain matin pour profiter de la lumière douce du soleil levant.  Pour atteindre le mausolée de l'Itimad ud-Daula il faut traverser la rivière mais avec les embouteillages il nous faudra une heure pour passer le pont. En cette fin d’après midi  la pollution est à son maximum et nous avons l'impression de découvrir le mausolée un  jour de brouillard. Le bâtiment fut construit par l'impératrice Nur Jahan en mémoire de son père quatre ans avant le début des travaux du Taj. Ce ravissant mausolée ressemble à un coffret en ivoire ciselé et incrusté de pierres semi précieuses . Nous ne sommes pas seuls, bientôt nous sommes rejoints par des centaines d'enfants des écoles en uniforme. Certains visitent les lieux mais les plus nombreux jouent sur les pelouses ou posent pour se faire prendre en photo.

L'après midi est déjà bien avancé quand Man nous conduit dans un grand jardin en bordure de la rivière; au coin d'une allée le Taj Mahal sort de la pollution et apparait enfin. Après douze jours de voyage nous ne sommes pas déçus. La pollution est telle que le monument paraît nimbé de brume alors qu'en réalité il est seulement à quelques centaines de mètres du jardin où nous sommes. Malgré les grandes déclarations de principe du gouvernement indien rien n'a été fait pour limiter la pollution industrielle et urbaine. Les usines de pétrochimie continuent à s'installer comme si de rien n'était, aucune mesure n'est envisagée pour restreindre les monstrueux embouteillages et toutes les belles promesses d'un Agra vert restent lettre morte. Si rien n'est fait dans vingt ans le marbre blanc sera jaune et le brouillard de pollution sera tel qu'on ne verra plus le Taj à cent mètres de distance. Je veux bien que l'on ne puisse pas demander aux pays en voie de développement les mêmes efforts en matière d'environnement qu'aux pays développés  mais il y a des limites à tout surtout quand on touche des subventions de l'Unesco pour améliorer la situation. 
Ce soir, depuis les fenêtres de nos chambres à l'hôtel et bien que nous soyons en face du Taj on ne l'apercevra pas tellement la pollution est importante. 


AGRA  DELHI  PARIS  13 ET 14 NOVEMBRE 2013. 
Nous avons toute la journée pour visiter Agra, le Taj Mahal et le fort. Pour profiter de la lumière du matin et d'une pollution encore supportable nous commençons de bonne heure. Dès huit heures nous sommes sur le pont et à huit heures quinze nous sommes devant le monumental portail de grès rouge et de marbre blanc qui donne accès au monument. A la sortie de la voute qui donne accès au site la magie opère. Même si l'on est déjà venu, même si l'on a vu des dizaines de documentaires, même si l'on connait l'histoire de Shah  Jahan et de son épouse Mumtaz-i Mahal morte en couches à la naissance de leur quatorzième enfant l'impression de majesté, d'équilibre, de beauté irréelle est toujours bien présente.
Le Taj qui pourrait ressembler à une énorme pièce montée de mariage entourée de quatre grosses bougies posée sur un socle de nougatine blanche est, grâce au talent de son architecte, à la juste proportion de ses formes, à la blancheur de son marbre, à la finesse des incrustations, une merveille d'équilibre, d'élégance et  de légèreté.



Le bâtiment se reflète dans un canal étroit bordé de cyprès et bien sur chacun veut sa photo pour la postérité. Après cette formalité indispensable chacun se promène, arrive jusqu'au pied de l'édifice, le contourne et l’examine sous toutes ses faces. Quelque soit l'endroit où l'on se trouve l'ensemble garde la même légèreté malgré sa taille imposante. Nous profitons grandement du temps qui nous est offert, personne n'ayant véritablement envie de quitter ce lieu magique, mais il faut bien se faire une raison et si nous voulons visiter le fort d'Agra il est temps de partir. 
Le fort d'Agra ou fort rouge est sur la même rive de la rivière mais, grâce à une courbe élégante, depuis le haut du fort on peut apercevoir le Taj les jours ou la pollution n'est pas trop intense. Ce matin la vue n'est pas parfaite mais dans le lointain la coupole célébrissime se détache sur le ciel. 






Le fort d'Agra est un véritable bâtiment militaire entouré de douves et d'une double muraille. Il doit sa célébrité à la résistance des anglais en 1857 pendant la révolte des Cipayes. Les anglais résistèrent pendant quatre mois aux assauts des indiens en attendant que des renforts venus de Delhi viennent les délivrer. 
Ce caractère militaire n'altère pour autant la richesse de la décoration des appartements privés, on ne retrouve pas ici la richesse des palais de Jaipur ou Jodhpur mais les jardins sont magnifiques et les dentelles de marbre raffinées. 
Avant le déjeuner nous nous arrêtons chez un tailleur de pierres semi précieuses qui nous montre comment sont faites les incrustations. 
Si nous voulons être à l'heure à Delhi pour le dîner et pour prendre l'avion il nous reste trois heures de bus  dans les embouteillages. Nous retrouvons les barres d'immeubles de la cité tentaculaire, et signe de la modernité des temps et de l'entrée de l'Inde au royaume des grandes puissances industrielles notamment de l'automobile nous longeons le complexe du circuit de formule 1 récemment inauguré. 
Une bonne douche, un bon diner et le représentant de voyageur du monde vient nous chercher à l’hôtel direction l'aéroport et le vol pour Paris. Il nous reste huit heures de vol pour faire de beaux rêves et continuer à être bercé par la magie de l'Inde.