jeudi 3 janvier 2013

Java

Photo professionnelle devant l'étude du notaire local.





Les bas reliefs


Le Bouddha de la dernière terrasse
Le miracle de  Borobudur classé au patrimoine mondial de l'humanité. Un monument à l'architecture parfaite. Le lieu respire la spiritualité mais aussi la vie. Les indonésiens viennent en nombre visiter le site, témoignage d'un passé prestigieux. Les jeunes, surtout les filles, se prennent en photo, abordent les rares étrangers, parfois en anglais, pour une discussion éphémère.

Les salles de réception du Kraton

Le kiosque à musique

Le palais de l'eau

Une famille ordinaire

Le marché aux oiseaux

D'autres sont jaunes ou verts

A la recherche de l'oiseau idéal

Le temple de Gedong

Prambanan

Les jeunes mariés avant le photo


Des épis de maïs géants















mercredi 2 janvier 2013

Papouasie


PAPOUASIE 2012




Commençons par le début. Nous sommes le 10 mars 2010, nous venons d’atterrir à Roissy en provenance de Manado via Singapour et nous sommes tous (Marie, les deux Françoise, Pat, Nono, Bernard, Alain et moi) bien décidés à nous retrouver en février 2011 après avoir remplacé deux belges par Michel et Paulette pour de nouvelles aventures sur le même bateau en Papouasie indonésienne.  Malheureusement notre beau projet va vite prendre l’eau à cause de deux inconnus qui avaient déjà réservé leurs places pour 2011 et qui ne voudront jamais en démordre. Faute de Papouasie nous sommes allés aux Maldives taquiner les raies mantas et autres requins en tous genres.

          Peut-être par paresse ou manque d’inspiration pour la première fois depuis 2002 et nos aventures au Cambodge et en Birmanie je suis resté sec et les petits camarades n’ont pas eu droit au début de l’été à la lecture de nos aventures sous marines. A ma décharge je dois avouer que les Maldives même si j’ai toujours le même plaisir à y retourner pour plonger je commence à en connaître les tours et les contours. Premier voyage en 1999 pour les grands débuts de ma vie de plongeur, deuxième voyage en février 2004 avec le fou au bonnet rouge qui a réussi l’exploit de faire grimper le dohni sur un thyla,  troisième voyage en mars 2008 au cours duquel Alain rejoindra le groupe pour ne plus le quitter. Cette troisième croisière sur le « Soleil » en compagnie de Sean, de son épouse Kyoko et de notre guide Misato restera comme la plus accomplie et la mieux organisée, celle des plus belles visions de requins, du premier requin baleine contre la coque du dhoni, de la tempête à l’approche de l’équateur, des paliers de Misato et du professionnalisme incomparable de Sean et de toute son équipe.

          Ecrire le récit de l’année n’est pas affaire aisée, le faire quand on revient sur les lieux du crime une deuxième fois complique singulièrement la tâche, quant à la troisième fois la mission est quasi impossible sauf circonstances exceptionnelles. Devant la complexité de la quatrième expérience j’ai eu le vertige de la page blanche. Pourtant nous avons rencontré des plongeurs sympas comme notre cousin canadien, Bruno venu de Mayotte pour une première expérience aux Maldives et qui réalisera pendant le séjour un superbe film, sa copine Agnès collègue de Françoise, mais aussi Pilar et David nos deux guides accompagnateurs qui seront toujours attentifs à notre sécurité. Par contre nous avons gardé un souvenir mitigé de Loïc et Cynthia responsables Abyss à bord du Manta Cruise. Ces deux jeunes, supposés nous accueillir sur le bateau avec bonhomie et cordialité, se sont montrés distants, incapables de s’intégrer aux plongeurs mais surtout légers pour ne pas dire plus sur la sécurité. Cynthia notamment à deux reprises a perdu son parachute de palier, a quitté la palanquée sans explication et s’est montrée incapable de nous accompagner dans le courant. A croire que notre présence perturbait leur organisation et leur réunionite aigue. Pourtant avec un minimum de bonne volonté tout aurait pu être parfait ; le Manta cruise est magnifique et confortable sauf que la cabine occupée par Alain était inhabitable à cause des bruits de craquements de la coque empêchant tout être humain normalement constitué de dormir ; l’équipage a été aux petits soins sauf les « chefs » empêtrés dans des briefings sans fin et des minis conférences au sommet sans objet.   

Malgré cela et grâce aux qualités et au dévouement de Pilar et David nous avons fait de superbes plongées, vu des mantas, des requins, des poissons clown et toutes les espèces répertoriées aux Maldives. Je me souviens notamment de Nelivaru thila et des millions de balistes, des murènes nageant en pleine eau sur l’atoll de Baa à Dhigali Haa, mais aussi de l’inorganisation pendant la plongée sur le site de Mutha a fushi, chacun plongeant de son côté, tout le monde décidant pour tout le monde et les palanquées se disloquant au fil du courant. Pour la première fois nous avons vu le président mécontent la fumée lui sortant par les oreilles.

Après Baa nous sommes allés sur les atolls d’Ari nord et sud. Grâce à Alain qui avait pris les affaires en mains nous avons vu les requins à Maaya thila, les bancs de platax à Dega thila, les barracudas à Rehi reef, les mantas à Faruhuruvalhu bey reef, le requin baleine à Rangali, les pastenagues à Orimas thila, et enfin les gros requins gris à Embudu express dans un courant à déplacer les montagnes. Bref, nous avons fait des plongées superbes et même si les incidents et déconvenues font partie de l’histoire il est impossible de regretter ce séjour ; les Maldives sont et resteront l’un des paradis de la plongée. En tout nous aurons fait 780 kms de croisière, visité 6 atolls, plongé 238 fois, accumulé 12750 mètres de dénivelé et consommé 1 127 100 litres d’air.



Une question me trotte dans la tête, retournerons nous aux Maldives ? Jusqu’à présent quand on se savait pas où aller il y en avait toujours un pour dire : « et si on retournait aux Maldives ». Mais cette fois ci j’ai l’impression que l’on ne nous y reprendra plus. On connait le nord, le milieu et le sud, on a navigué avec Sean connu pour être le meilleur professionnel de l’endroit, on a fait des croisières sur de superbes bateaux et cerise sur le gâteau on a eu droit à tout, du requin baleine à l’espadon sans oublier les mantas. En plus depuis quelques semaines les évènements politiques ne sont guère favorables au tourisme. Comme dans de nombreux pays musulmans les intégristes islamistes ont pris le pouvoir et veulent imposer une stricte application du coran. Finies les promenades bras nus dans Mahé, finies les discussions autour d’un verre à l’heure de l’apéritif. Chacun est libre de tuer la poule aux œufs d’or mais que l’on ne compte pas sur moi pour cautionner et encore moins participer à ces absurdités. Pourtant au fond de moi une petite voix murmure dans l’oreille droite il ne faut jurer de rien et dans la gauche fontaine je ne boirai pas de ton eau. Alors wait and see et si la situation politique redevenait normale il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour prendre un billet d’avion.


Revenons à notre récit de l’année. Si à cause de deux inconnus nous avions troqué la Papouasie pour les Maldives en 2011, nous n’avions pas pour autant jeté le projet indonésien par-dessus les moulins. Dès le printemps 2010 nous confirmions à Jérôme Doucet responsable de Wallacea notre désir d’affréter la totalité du bateau pour la croisière en Papouasie de février 2012. Nous avions vingt deux mois pour nous préparer. C’est ainsi que le samedi 4 février 2012 en fin d’après midi nous nous sommes retrouvés à l’hôtel Ibis de Roissy à la sacro sainte heure de l’apéritif. Contrairement à son habitude le président, victime des disfonctionnements des chemins de fer, arrivera à l’heure où nous serons tous dans les bras de Morphée et il nous retrouvera pour le petit déjeuner du dimanche.

Mais avant d’en arriver là nous avions dû tous résoudre l’épineux problème du poids des bagages. Souvent nous voyageons avec de grandes compagnies aériennes comme Emirates ou Singapour airlines qui, pour les plongeurs, acceptent trente kilos de bagages. Mais cette fois ci nous finissions notre périple entre Manado et Sorong avec   une compagnie exotique au joli nom de Wings n’acceptant que quinze kilos et peut être vingt dans le meilleur des cas. Commence alors l’équation infernale. Comment faire tenir dans un sac qui pèse à vide deux kilos un équipement qui en pèse quatorze et ne pas dépasser quinze ? Si vous avez la solution merci de me l’envoyer et je vous offre des cerises pour noël. Finalement tout se passera bien et les préposés aux bagages tant à Manado à l’aller qu’à Sorong au retour fermeront les yeux sur le poids conséquent de notre montagne de bagages et n’auront pas la curiosité de s’intéresser à nos bagages à main dont le poids dépassait largement les limites autorisées.

 Ce n’est pas le tout d’avoir fait les valises, faut-il encore savoir où nous allons. Rien de plus simple ; quand vous sortez de chez vous, en Belgique, en Normandie ou en Berry vous descendez cap au sud jusqu’au niveau de l’équateur, ensuite vous partez vers l’est et quand vous atteignez 5°sud 136 Est vous êtes arrivés. Avant d’être au but il vous faudra faire Paris Singapour, attendre quatre heures la correspondance pour Manado et enfin prendre le vol pour Sorong. Sans oublier à votre entrée en Indonésie de payer 25 dollars US pour acheter le visa, de faire ouvrir le comptoir d’enregistrement de la compagnie Wings, de payer 25 000 roupies de taxe et  se précipiter dans le bus pour attraper l’avion. Nous avions 90 minutes pour accomplir ce parcours du combattant, nous savions que nous n’avions une minute à perdre, mais avec l’aide des fonctionnaires locaux et notre fameuse discipline collective tout se déroula comme par enchantement.  En tout de 26 heures de voyage depuis l’enregistrement à Roissy.


Sur une mappemonde la Nouvelle Guinée se situe au nord de l’Australie. Cette grande île de 786 000km2 et 2400 kms de long est divisée en deux parties, à l’est la Papouasie Nouvelle Guinée, à l’ouest les deux provinces de Papouasie et Papouasie occidentale dépendant de l’Indonésie. Jusqu’en 2003 ces deux provinces n’en formaient qu’une sous le nom d’Irian Barat. Cette vaste partie de l’Indonésie est peu peuplée,  à la fois très montagneuse et inhospitalière on dénombre 2 300 000 habitants pour une population indonésienne globale de plus de 260 000 000.

La Papouasie occidentale ou Papua Barat est riche des produits de la mer mais aussi de pétrole et de gaz naturel qui attirent les convoitises des compagnies américaines et néerlandaises. Pourvu que toutes ces recherches ne portent pas tort aux fonds marins même si l’état indonésien a eu la très bonne idée de délimiter des réserves naturelles, d’en réglementer l’accès et de faire payer l’entrée. En échange vous avez droit à un joli badge que vous devez accrocher à votre stab comme justificatif en cas de contrôle.  Effectivement pendant la croisière, deux ou trois fois, nous aurons de la visite sans jamais savoir ce que nos visiteurs cherchaient. Pour ma part je suis convaincu qu’ils venaient dire bonjour à leurs  copains membres de l’équipage de notre bateau car jamais rien n’a été vérifié et encore moins contrôlé. Le point positif est que nous avons tous un joli souvenir accroché à notre stab.


Nous sommes le lundi 6 février 2012 il est 17 heures et nous venons d’arriver à l’aéroport de Sorong. Depuis plus de 24 heures nous avons cru qu’il faisait nuit alors que nous étions au début de l’après midi,  avons eu droit à trois petits déjeuners, avons trainé nos palmes pendant quatre heures dans l’aéroport de Singapour, constaté que la free shop ne présentait aucun intérêt les prix pratiqués étant supérieurs  à ceux de la fnac, et pourtant nous sommes tous d’une impeccable fraicheur pour récupérer nos bagages sur un tapis roulant digne de ceux des pays d’Afrique dans les années 1950. En fait de tapis roulant il y a bien la trappe pour faire passer les bagages, les rouleaux pour qu’ils puissent avancer mais comme il n’y a pas de motorisation tout se fait à la main. Nous sommes heureux de voir arriver nos sacs ayant toujours l’angoisse d’en égarer un ou deux lors d’un transfert.

Nous nous attendions à retrouver Alain (le suisse) le responsable wallacea lors de notre précédente croisière ou son successeur comme annoncé à Françoise lors de sa visite au salon de la plongée, mais nous faisons la connaissance de Martine, française installée à Jakarta, passionnée de plongée, qui fait des piges dans les resorts ou sur les bateaux avant de retourner s’occuper de ses filles. Nous retrouvons avec plaisir Obe, l’un de nos guides aux Sulawesi, toujours aussi souriant, et dont les progrès en anglais sont directement proportionnels à son embonpoint croissant.

Trois 4x4 nous attendent et après un rapide trajet nous arrivons au port. Ceux qui s’attendaient à croiser des papous avec leurs coiffes en plumes et leurs étuis péniens en sont pout leurs frais. En guise de papous nous croisons des marins en jean et tee shirt, casquette vissée sur la tête. Quant aux bateaux de pêche ils font peine à voir, la rouille ayant remplacée la peinture et certains sont dans la situation du Concordia après son échouage sur un rocher. Nous passons de l’annexe au Bobara puis enfin nous retrouvons le Paisubatu II. Pour ne pas changer les bonnes habitudes chacun reprend la cabine et la couchette qu’il occupait deux ans auparavant, Paulette et Michel héritant de la cabine des belges. Le bateau n’a pas changé, il a seulement un peu vieilli et Jérôme Doucet devra faire un carénage et une remise à niveau approfondie s’il veut conserver la qualité du Paisubatu II.

Pour être opérationnels demain matin  et pouvoir commencer nos aventures à la fine pointe de l’aube nous transportons tout le matériel sur le Bobara, chacun choisit sa place, sa bouteille et sa ceinture de plomb. Pour moi ce sera une quatorze litres et quatre kilos de plomb, deux dans la stab et deux sur la ceinture. Pendant toute la croisière j’aurai comme voisine Françoise (la dentiste) qui se montrera attentive et attentionnée, m’aidant les jours de blocage de mon bras, à enfiler ma combinaison. Comme deux ans auparavant tout le personnel est aux petits soins avec nous, plaçant les combinaisons sur des cintres, choisissant avec soin les plombs, montant les détendeurs sur les bouteilles et rangeant les corbeilles sous les bancs.

Pendant dix jours notre terrain de jeux sera l’archipel indonésien des Rajat Ampat (« les quatre rois »). Nous sommes près de la côte nord-ouest de la Nouvelle Guinée Occidentale, par 0° 13’ 59’’ S 130° 31’ 01’’ E. Plusieurs fois pendant la croisière nous jouerons à saute moutons avec l’équateur mais nous ne verrons jamais l’eau tourner à l’envers dans les vidanges des lavabos.

L’archipel composé de plus de 1500 îles sur une superficie globale de 46 000km2 est situé à la limite occidentale de l’océan Pacifique et, à son niveau, se rencontrent les eaux des océans Pacifique et Indien, ce qui donne naissance à un fort courant et des marées puissantes si bien que les eaux sont souvent sombres et troubles. Question courant  nous allions être servis, question visibilité cela ne sera que rarement parfait.

Le dernier recensement réalisé il y a plus de dix ans indique une population de 47 771 personnes ; très sincèrement je ne sais pas où elles sont. Pendant dix jours nous croiserons la route de dix pêcheurs, cinq gardes côte, et une équipe d’éleveurs de perles avec leurs gardiens. Nous ne verrons pas non plus les pseudo aventuriers de Koh Lanta, à moins qu’ils ne soient déjà rentrés en France depuis la fin de l’émission de télévision.

Avant de partir à leur découverte il faut enfin savoir que les Raja Ampat sont situées dans le « Triangle de Corail », cœur mondial de la biodiversité corallienne, et dans une mer qui contient peut-être la plus riche diversité d’espèces de coraux connues dans le monde.


Tout est en ordre, les valises sont défaites, les cabines rangées et le matériel installé sur le Bobara. Après une grosse suée et une bonne douche nous nous retrouvons tous sur le pont principal pour notre traditionnel apéritif du soir. Ensuite dîner et dodo. Nous avons bien mérité une bonne et longue nuit.

Pendant nos agapes le bateau a quitté le port de Sorong, et il fera route pour rejoindre au petit matin l’archipel de Misool. Nous naviguons plein sud pour cette première partie de notre croisière.

Avant d’évoquer tous les petits et grands évènements qui ont émaillé nos journées je voudrai, comme un préalable, évoquer les conditions de plongée telles qu’elles sont décrites sur les sites internet ou dans les livres.

Sur le site de wallacea on peut lire : « Les courants sont souvent consistants sur certains sites de plongée des Rajat Ampat. Des récifs éloignés des cotes, des courants parfois imprévisibles ainsi que l’absence de caisson de décompression (le plus proche est à Manado) dans la région invitent les plongeurs à la prudence. Bien que nous essayions toujours de pratiquer les sites avec les conditions de courant modérés, celles-ci peuvent changer rapidement. »

« La visibilité est généralement d’une vingtaine de mètres, mais à cause de la richesse en nutriments des eaux celle-ci peut descendre temporairement ou localement jusqu’à une dizaine de mètres. »

Dans le livre de Burt Jones et Maurine Shimlock consacré aux plongées au Raja Ampat on peut lire : « No matter where you are based in Raja Ampat, you must always consider currents. All dive operators are knowledgeable of Raja’s daily tidal changes and understand that water movement nourishes these rich reefs. »

Ceux qui s’imaginaient plonger dans les eaux calmes de leur baignoire en seront pour leurs frais mais personne ne pourra dire qu’il n’était pas prévenu.



Mardi 7 février 2012.


Cette fois ci nous y sommes, nous allons reprendre notre rythme « infernal » de trois à quatre plongées par jour. Quatre pour les plus courageux qui renonceront à l’apéritif du soir pour faire leur plongée de nuit. Pour les autres trois plongées seront leur quotidien.

Le bateau a navigué toute la nuit, nous étions tellement ko debout que le bruit des moteurs fut comme un doux ronron facilitant le sommeil de tous. Au réveil vers six heures nous nous trouvons dans un paysage incroyable, partout autour de nous des pitons volcaniques recouverts d’une épaisse végétation équatoriale. Cela tient à la fois des pitons de la baie d’Along et des rochers de Kho Phi Phi où les thaïlandais viennent cueillir les nids d’hirondelles. On entend les cris des oiseaux et on peut voir les aigles pêcheurs tourner au-dessus  de la cime des arbres.

Nous ferons notre première plongée du séjour sur le site de Love Potion et pendant une petite heure, par une profondeur maxi de 24 mètres et dans une eau invariablement à 29 degrés nos aurons droit à un condensé de nos futures découvertes. Beaucoup de petit, même du très petit, des perroquets à bosse et une visibilité pas terrible.  Jamais, nulle part ailleurs je n’avais vu autant de variétés de coraux, il y en a partout, accrochés au moindre morceau de rocher, de mur ou de grotte. Des coraux durs et mous, des tables énormes de cornes de cerf, des anémones de toutes les couleurs, des bleues, des roses, des violettes, des blanches, des gorgones où nous découvrirons toutes les espèces de pygmées. Mais aussi des lianes qui servent de cachette à de minuscules crabes de porcelaine.

Tout nous paraît un peu hors normes, les perroquets à bosse sont énormes comme les napoléons, les bancs de petits poissons sont gigantesques, les murs recouverts de coraux d’une verticalité saisissante, les grottes profondes et les courants d’une surprenante imprévisibilité. Pendant toute la croisière nous irons de superlatifs en superlatifs et jamais nous ne serons rassasiés sauf pour le courant. Mais pour ça aussi nous n’étions pas au bout de nos surprises.

Pour la seconde plongée du jour nous restons sur l’île de Misool et nous explorons le site de Cave Farondi où nous resterons plus de 70 minutes avec une profondeur maxi de 20 mètres. Le but de la manœuvre est de longer un tombant recouvert de coraux avant de s’engouffrer dans une grotte puis de remonter tranquillement sur un platier. Comme le matin la visi n’est pas terrible ce qui est vraiment dommage car la vie est stupéfiante. Dans une gorgone violette Sergius notre guide déniche deux hippocampes pygmées d’un parfait mimétisme chromatique, Alain fait chauffer l’appareil photos mais les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des efforts déployés. Cependant il faut rendre à César ce qui appartient à César et à Alain ce qui appartient à Alain ; toutes les photos sous marines du récit sont l’œuvre du président qui comme les autres années ne touchera aucun droit d’auteur mais recevra un exemplaire gratuit dédicacé par l’auteur. On a la générosité que l’on peut.

Comme le matin nous croisons la route de perroquets à bosse, d’une belle tortue, nous nageons dans un banc serré de très petits poissons avec des reflets bleus argent. Bien que Pat ne fasse pas partie de ma palanquée je l’observe jouer comme un gosse avec les petits poissons, il essaie de les attraper, de rentrer dans le banc qui alors se scinde pour se reconstituer immédiatement. Tous les ans il s’amuse ainsi et je pense que dans vingt ans il continuera toujours.

Sur le platier les trois palanquées se regroupent pour une longue observation et quand nous remontons sur le Bobara nous sommes accueillis par une violente pluie d’orage. Je suis transi et il me faudra un long moment pour me réchauffer.

En arrivant sur le Paisubatu II nous retrouvons les deux feignants de service, Michel et Nono qui nous racontent des histoires abracadabrantesques ; pendant notre absence ils ont été attaqués par de vrais Papous, coiffe à plumes sur la tête et étui pénien en bandoulière. N’écoutant que leur courage ils ont défendu l’embarcation et repoussé les agresseurs armés des seuls couteaux de cuisine fournis par notre cuistot l’ineffable Rachid que l’on ne présente plus dans tout l’océan Indien et affublé de sa réputation de meilleur cuisinier embarqué et de plus célèbre tapette des mers.

Le bateau est ancré dans un environnement incroyable, partout autour de nous là où l’œil se pose des rochers recouverts d’une dense végétation et formant comme un gigantesque labyrinthe. Avant la troisième plongée un premier groupe part avec l’annexe pour une ballade dans ce paysage de folie.  Au retour les commentaires sont suffisamment  enflammés pour convaincre le deuxième groupe de faire la promenade au retour de la troisième plongée du jour.

Notre troisième site du jour se nomme three sisters rocks, nous sommes entre les îles de Wagmab et Farondi et notre GPS du bord indique S 02.00.343 et E 130.38.351. La visibilité est cette fois encore médiocre mais ne nous empêche pas de découvrir une vie incroyable, tant par la qualité des coraux durs et mous que par la quantité des poissons de récif. Dans chaque gorgone nous trouvons, sans vraiment les chercher, des pygmées jaunes, roses ou violets ; nous découvrons le syngnathe sorte de petit tricot rayé de dix centimètres de long avec une houppette au bout de la queue. Quant aux perroquets, napoléons et autres tortues, ils sont monnaie courante et d’une taille conséquente. Après plus d’une heure, soixante quatre minutes pour être exacte, et par 22 mètres nous retrouvons le Paisubatu II et la deuxième équipe se prépare pour la ballade.

          Avec Nono, Pat et Alain nous embarquons dans la petite annexe pour une promenade à la tombée du jour. Nous naviguons au milieu des rochers, les plus grands hauts comme des immeubles de trois ou  quatre étages, les plus petits ne dépassant pas trois mètres. Avec le soleil couchant et la faible lumière les effets de couleurs sont incroyables. La mer a des reflets émeraude ou bleu opalin, le ciel passe du violet au gris et les rochers malgré l’intense végétation qui les recouvre deviennent noirs.   

Nos guides, Obe, Dani et Sargius, comme tous les marins du bord, du cuisinier au responsable des bouteilles, sont d’une stupéfiante gaité. Ils passent leur temps à jouer comme des enfants à la maternelle, à rire comme devant les meilleures bandes dessinées d’Astérix et à plaisanter de tout et de rien. En outre ils sont à la fois démonstratifs et tactiles. Ils aiment vous toucher, vous palper, vous prendre par le cou sans aucune arrière pensée. Chacun à son tour y aura droit, Pat à son corps défendant restant le préféré. Peut être le charme discret des moustaches.

De retour de la ballade le programme du jour prévoit plongée de nuit. Les deux stakhanovistes du groupe, Alain et Françoise (la parisienne) seront comme tous les soirs les deux volontaires désignés d’office. Quant aux autres ils préfèrent vaquer à leurs ablutions et une fois beaux et propres préparer sur le pont supérieur l’apéritif du soir.

Depuis le début de nos aventures les choses se sont beaucoup améliorées. Au début nous nous contentions d’apporter des bouteilles, mais au fil du temps se sont ajoutés le saucisson, le fromage et les petits gâteaux. Les plus gourmands ont même pensé à apporter du chocolat pour les petites faims du milieu de l’après midi.  Nous organisons maintenant sous toutes les latitudes du globe des apéritifs dignes des meilleurs bars de la planète. A leur retour des aventures nocturnes Alain et Françoise nous rejoignent ; le président toujours fidèle à son coca et Françoise à son ricard. Ce moment de la soirée est toujours très agréable, chacun évoque ses visions sous-marines du jour, les fumeurs savourent leur cigare du soir, les solitaires continuent leurs lectures et les gourmands  font du charme à Rachid pour avoir des glaçons et connaître le menu du soir.  

Après le dîner personne ne se fait prier pour regagner sa couchette ; ceux qui ont du mal à trouver le sommeil liront trois pages avant de sombrer et le président aura du mal à voir la totalité de son film. Pour les autres, une tape sur le cul et au dodo. Cette nuit le bateau reste au mouillage, la température ne descend pas dans les cabines et l’action des petits ventilateurs est symbolique. A cinq heures le capitaine démarre les moteurs et nous partons pour nos nouveaux sites de plongée.


Mercredi 8 février 2012.


 La mise en route du moteur vers cinq heures réveille presque tout le bateau sauf moi qui continue à dormir comme un bienheureux. Quand enfin une heure plus tard je me décide à ouvrir les yeux je constate comme d’habitude que la couchette de Pat est vide. Mon copain a déjà rejoint le pont supérieur pour son thé matinal et une petite causette avec Alain autre lève tôt de l’équipe.

Ce matin, pour la première plongée du jour, nous allons sur le site de Boo Rocks par S 02.13.295   E 13O.36.700.  Nous continuons de flirter avec l’équateur. Ce site est constitué en surface de deux rochers, l’un au sud de petite taille et coiffé d’un arbre solitaire, l’autre au nord plus imposant mais totalement dénudé. En réalité ces deux rochers que l’on croit séparés ne forment qu’un seul et unique récif recouvert de corail mou et envahi de poissons. En principe le courant doit souffler du nord mais rien ne lui interdit de changer d’avis pour passer du sud au nord et parfois, mais plus rarement compte tenu de la configuration des lieux, de l’est à l’ouest.

Nous partons entre les deux pitons et nous nous dirigeons vers le sud avec la volonté de tourner autour du petit rocher pour revenir contourner le gros et finir à notre point de départ. Si au début le courant est porteur il devient rapidement un grand n’importe quoi et nous ne savons plus comment nous protéger. Après quarante minutes j’arrête de lutter et je fais signe à la palanquée que je remonte. Personne ne s’inquiété car on entend distinctement le bruit des moteurs de notre bateau. Au palier je déploie mon parachute et dès que je mets la tête hors de l’eau les marins me font signe qu’ils m’ont repéré et le Bobara fait manœuvre pour me récupérer. Dix minutes après Alain et Françoise font surface. Tout est bien qui finit bien mais la règle absolue de sécurité veut que lorsqu’une palanquée se disloque tous ses membres doivent remonter et faire surface. La règle ne souffre pas d’exception et la suite des évènements montrera que sa stricte application nous aurait éviter des angoisses.

Pour notre deuxième plongée du jour sur le site de Yellit Kecil notre bateau n’a pas une longue distance à parcourir ; les données GPS indiquent

S 02.11.157  E 130.36.620.  Comme lu dans les bons guides ce site a toutes les caractéristiques de ses voisins, un grand mur avec beaucoup de corail et une abondante vie animale. C’est ici qu’a été découverte une nouvelle espèce de nudibranche dénommée Nembrotha. Pour nous, faute de nudibranche nous aurons droit à un banc impressionnant de barracudas. Après cette promenade de 55 minutes par 26 mètres de fond nous retrouvons le pont du bateau pour un déjeuner bien mérité.

          A quinze heures, après la sieste, nous partons pour notre troisième plongée sur le site de Nudi Rock GPS : S 02.13.103   E 130.33.936  Les plus férus en la matière constateront que nous tournons en rond dans l’archipel de Boo. Pour la première fois depuis notre départ de Sorong il y a deux jours nous croisons des humains, en l’espèce des jaunes, sûrement japonais, entassés à quinze sur un bombard prévu pour six. Quant à savoir d’où ils venaient cela restera un mystère.

          A elle seule cette plongée est le résumé parfait de notre croisière. Nous découvrons des choses extraordinaires et pour nous inconnues jusqu’à ce jour, comme le wobbegong ou requin carpette caché sous une table de corail, animal étrange, plat comme une limande, au corps entouré de franges comme un tapis turc, mais nous subissons encore et toujours les effets d’un courant incontrôlé et difficilement contrôlable. Si ce fichu courant était, comme aux Maldives, fort mais toujours dans le même sens, les choses seraient simples. Mais, pour notre malchance, il n’est jamais stabilisé ni dans sa force ni dans sa direction. En moins de vingt mètres il peut passer de doux à moyen voir plus et du nord au sud ou du sud au nord sans prévenir. Reste le souvenir de ce requin incroyable, poisson préhistorique, caché sous sa patate de corail et très sûrement plus inquiet de notre vision que nous de la sienne.

          Pendant que Françoise et Alain s’adonnent aux joies de la plongée de nuit le reste de la troupe ouvre la première tablette de chocolat ; une pour huit il n’y en aura pas pour tout le monde et les retardataires devront se rabattre sur le saucisson.   

          Ce soir encore personne ne se fait prier pour regagner ses pénates, Paulette est la première à sonner le départ, les autres suivent en ordre dispersé et les menteurs affirment qu’ils vont reprendre le fil de leur lecture.

          A minuit branle bas de combat, le déluge s’abat sur nous. Je me retrouve dans les coursives avec Françoise à essayer de sauver de la douche les serviettes et les maillots. Il est déjà trot tard quand nous intervenons et pour sécher notre linge devra attendre la fin de l’inondation. Quand on voit la violence des pluies à une période qui sans être la plus sèche n’en est pas pour autant  la plus humide on comprend pourquoi ce pays est si vert.


          Jeudi 9 février 2012.


          Traditionnellement, comme au ski, le troisième jour est celui des petits bobos. Pour certains ce sont les oreilles qui montrent des signes d’irritation, pour d’autres ce sont les ampoules qui apparaissent au niveau des talons, et pour les gros dormeurs ce sont les effets du jet lag qui se font encore sentir. Ce matin Bernard, Michel et Paulette manquent à l’appel préférant la tiédeur de l’oreiller à l’inconfort de la combinaison. Pour les sept autres les travaux de forçats des profondeurs reprennent vers sept heures.

          Nous partons pour barracuda rock S 00.32.568  E 130.15.107.  Nous sommes remontés vers le nord et flirtons dangereusement avec l’équateur. Le site porte bien son nom et de nombreux barracudas viendront se pavaner devant nous ; nous aurons droit à une langouste de concours qui avec sa petite sœur auraient pu faire le bonheur du dîner des dix affamés, de plusieurs poissons crocodile, de perroquets à bosse et de limaces en tous genres.

Ce matin la palanquée franco belge composée d’Alain, Françoise (la parisienne) et votre serviteur plonge avec Dani. Même si le garçon du haut de ses vingt cinq ans n’a pas encore l’expérience d’Obe, il a déjà un œil perçant  lui permettant  de dénicher tous les organismes minuscules qui pullulent sous ces latitudes. Pourtant il faut aussi l’arrêter dans ces facéties et lui faire comprendre que la plongée est une affaire sérieuse et qu’il se mettre à notre niveau et pas l’inverse.  Le personnage est sympathique, toujours de bonne humeur et ne pensant qu’à rire et s’amuser.

          Ce matin le soleil a retrouvé de la vigueur après les pluies de la nuit et pour notre deuxième plongée nous aurons droit à des éclairages incroyable. Pendant près d’une heure et par 31 mètres sur le site de Dunia Kecil nous nageons dans un véritable jardin de corail. Pour limiter autant que faire se peut les effets du courant nous descendons profond et mon oreille droite, toujours la même, apprécie modérément cette petite incartade. Pour être sérieux et préserver mes tympans je ferai la troisième plongée en me rasant et en prenant ma douche.

Je profite des moments de calme pour terminer mon premier livre du voyage, « la pluie avant qu’elle tombe «  de Jonathan Coe, écrivain anglais de renom et dont j’apprécie les ouvrages. Je recommande ce livre à tous mes amis, à ceux qui aiment les belles histoires de famille racontées avec sensibilité et originalité. Raconter l’histoire de trois générations de femmes à travers la description de vingt photographies est un tour de force merveilleusement réussi. Si j’ai loupé une plongée  j’ai passé un vrai moment de bonheur l’esprit occupé par ma lecture.


          Ce soir Françoise et Alain sont privés de plongée de nuit, vers 17 heures nous quittons notre mouillage pour une longue navigation de plus de douze heures.  A voir le ciel il est certain que nous allons prendre des grains sur la tête. Prévenus que nous sommes nous mettons les serviettes et les maillots à l’intérieur où ils ne sécheront pas mais cela évitera de les retrouver trempés.

          A 18h30 nous sommes tous sur le pont pour notre traditionnelle réunion du soir et pour les commentaires sur la journée. Les mauvaises langues ont remarqué l’intérêt qu’Obe porte à Martine et ses travaux d’approche pour mettre fin à la solitude du marin qui ne demande rien d’autre que de partager sa bannette même si elle ne mesure que 70 centimètres de large. Dani tourne autour de la bouteille de ricard avec le secret espoir qu’une bonne âme lui propose un coup à boire. Quant à Servius, notre troisième guide il se fait toujours aussi discret, seulement préoccupé par le fonctionnement de son téléphone portable. 

          Nous sommes maintenant bien amarinés et le bruit du moteur n’empêchera personne de dormir.


          Vendredi 10 février 2012.


          Comme la précédente et la suivante la nuit fut arrosée par de nombreuses et brèves averses parfois violentes, mais la fatigue et l’habitude aidant nous dormons tous comme des loirs. Le bateau remonte au nord et nous nous approchons de l’équateur avant de faire escale dans l’archipel Fam et Penemu. D’après les guides nous sommes dans la zone de Raja Ampat où les courants sont les plus forts et les plus imprévisibles ; nous avions déjà été fortement secoués et l’être plus était inquiétant. Nous sommes dans une des régions du monde à la plus faible densité d’habitants au kilomètre carré et le Sahara n’a pas grand-chose à envier à cette partie de l’Indonésie ; pourtant pour la première fois depuis notre départ nous apercevons des  maisons mais toujours aucune trace d’humains. La seule vie animale est celle des aigles pêcheurs qui tournent à la cime des grands arbres avant de plonger dans la mer à la recherche de leur nourriture. Le papou caché derrière sa coiffe à plumes et son étui pénien est peut être un mirage ou une vision d’une autre époque.

          Notre première plongée du jour sur le spot de Nelayan sera pendant cinquante minutes et par vingt huit mètres de fond conforme à ce que nous pouvions en attendre : du courant pas trop fort mais dans tous les sens, une visibilité moyenne à cause  de la pluie mais une vie incroyable avec des tortues picorant le corail dur, des tricots rayés comme s’il en pleuvait et tous les poissons de récif qui prennent la pose devant l’objectif d’Alain.  Nous cherchons tous à essayer de percer les mystères du courant, même Alain qui a pourtant plus de deux mille plongées au compteur reste perplexe. Le courant n’est jamais stabilisé, il change suivant la profondeur mais aussi suivant l’endroit où l’on se trouve et peuvent être différents à quelques mètres près et pour couronner le tout ils peuvent changer en l’espace de cinq minutes. Ne croyez pas que je fais une fixation sur le courant mais s’il est vrai que je n’aime pas trop cela je m’en accommode sans chercher à le domestiquer quand je comprends la façon dont il souffle. Ce qui est surprenant ce n’est pas le courant mais son imprévisibilité qui rend les plongées aléatoires. 


          Pour la plongée de fin de matinée nous sommes à l’est de Penemu par un point GPS de S 00.35.390   E 130.18.909  sur le spot de Melissa’s Garden. Ebloui par la perfection du vaste champ de corail dur qu’il trouva à cet endroit Max Ammer le baptisa ainsi en l’honneur de sa sœur. Trois petites îles forment un demi-cercle protecteur autour d’une peu profonde plateforme recouverte de Montipora et d’Acropora. Tous ceux qui ont plongé ici s’accordent pour dire que nulle part ailleurs au Raja Ampat il n’y a autant de corail dur et de poissons. Nous faisons là une plongée de rêve, le soleil est enfin aux abonnés présents et le courant aux abonnés absents. Les murènes sortent la gueule de leur cachette, les pygmées roses ou violets prennent la pose devant l’appareil d’Alain ; nous sommes au paradis et si le manomètre ne nous rappelait pas à l’ordre nous aurions pu rester jusqu’au déjeuner.

          Devant notre enthousiasme Martine décide que nous ferons la troisième plongée au même endroit.  A l’heure de la sieste nous avons la sérénité de ceux qui attendent avec tranquillité la suite des opérations et la certitude d’une troisième plongée de rêve. Nos espoirs seront déçus, en moins de quatre heures les conditions ont totalement changé, le courant s’est levé et la visibilité a baissé. En plus Dani a le feu au derrière pressé qu’il doit être de rejoindre le bateau et ses copains pour une partie de cartes effrénée sur le toit du Bobara ou dans les coursives du Paisubatu . Faute de grive on mange des merles, et même si le spectacle a baissé d’intensité nous croiserons la route de plusieurs murènes ruban, d’une grosse loche bleue avachie  sous son rocher.

          A partir de dix huit heures l’équipe se divise en deux ; le gros des troupes envahit les salles de douches pour le sacro saint récurage, rasage, lavage, crémage, pendant que Françoise et Alain se préparent pour leur traditionnelle plongée de nuit. Ils nous retrouveront vers vingt heures sur le pont supérieur. Je profite de ces instants pour mettre à jour mon carnet de plongée mais aussi pour, à l’aide de mon ordinateur, prendre des notes sur notre quotidien. C’est la première fois que j’utilise la méthode et j’avoue à l’usage que cela facilite grandement le travail de mémoire au retour. Je profite également du nouveau petit joujou pour regarder des films chapardés sur le disque dur du président. Ce soir, pour rajeunir de cinquante ans, je me plonge dans les aventures de la famille Vaillant, de son champion Michel avec son copain Steve Warson. Pas de quoi décrocher un Oscar à Hollywood mais je passe un bon moment entre les méchants tricheurs, les bruits d’échappement, les frayeurs de maman Vaillant et les odeurs d’huile de moteur. Demain, promis, je ferai dans le sérieux avec Luchino Visconti, la musique de Mahler et Mort à Venise, chef d’œuvre absolu du cinéma. Un bon film ou un bon bouquin, un petit verre de whisky  sans glace, des bons copains, un coucher de soleil à couper le souffle, une petite tranche de saucisson, que demander de plus à douze mille kilomètres de ces bases.    


          Samedi 11 février 2012.


          La météo ne change toujours pas ; la nuit il pleut et le matin tout est humide y compris les biscuits du pré petit déjeuner. Quant aux serviettes et autres maillots, malheur à celui qui les a oubliés sur le fil le long de la coursive. Mouillé pour mouillé autant se mettre à l’eau. Nous sommes sur le site de Mayhem par S 00.30.777    E 13O.26.716. nous continuons à nous promener le long de l’équateur, un coup au dessus un coup en dessous. D’après les informations des guides, corroborées par le livre acheté au retour à l’aéroport de Manado, ce rocher immergé peut être le lieu d’une plongée excitante quand le courant apporte des bancs de barracudas, de fusiliers et de poissons chirurgiens. Comme ailleurs mais si cela est encore concevable, plus qu’ailleurs des acroporas  par six ou sept mètres de fond. Nous ne serons pas déçus et aurons droit aux barracudas de service, à des requins pointe noire, à  des murènes en pleine eau et à plusieurs langouste qui auraient bien fait notre affaire pour le déjeuner.

          Ce pays est vraiment incroyable, il ne fait vraiment pas grand beau, il pleut toutes les nuits, on ne croise personne mais nous sommes au milieu d’une nature intacte avec des paysages d’une beauté à couper le souffle et sous l’eau je pense que nous n’avons jamais plongé dans des eaux aussi riches tant en faune qu’en flore. Seul bémol mais il est de taille partout nous croisons des ordures qui flottent à la surface de la mer ; des emballages en carton, des bouteilles de lait en plastiques et autres papiers de toutes sortes. Avant d’arriver au milieu de nulle part ces ordures ont franchi plusieurs dizaines ou centaines de miles et si cela continue la mer, même sous ces latitudes, deviendra un énorme dépotoir. La seule question qui vaille est comment sensibiliser les populations locales pour éviter un tel désastre. Petite satisfaction, l’équipage du Paisubatu ne passe pas les ordures par-dessus bord mais les descendra à terre lors de notre retour à Sorong.

         

          La seconde plongée du jour sur le site de Black Forest restera dans les annales. Sans contestation possible c’est la plus belle depuis le départ et elle le restera durant toute la croisière. Tous les ingrédients sont réunis pour une superbe plongée, une visi de rêve, une lumière fabuleuse, un site d’un rare beauté, et une absence de courant. Pendant plus d’une heure et par une profondeur maximum de trente deux mètres nous longeons un mur qui s’enfonce dans les abysses, recouvert de coraux durs et mous de toutes les couleurs. Nous sommes entourés de nuages de petits poissons et dans le bleu nous avons droit à des bancs de platax.  Ce qui est surprenant n’est pas de croiser des bancs de poissons ou des platax, déjà bien souvent nous avons eu droit à ce spectacle, mais la densité des bancs et la taille des poissons. Il faut dire que pour se nourrir les platax n’ont pas à chercher loin, ils ont tout en quantité infinie à portée de bec.

          Comme souvent depuis le départ, pour la troisième plongée du jour les conditions ont changé. La lumière a perdu en intensité et la visibilité est moins bonne. Dans cette région du monde où l’océan indien rencontre l’océan pacifique il est possible que le phénomène des marées influe sur les conditions de plongée et notamment sur la force des courants. Sur le site de white arroww nous passerons une heure devant un mur, mais les platax ont disparu et les bancs de petits poissons se sont envolés. Reste le spectacle des coraux roses, jaunes, blancs et violets, durs et mous. Depuis le début nous avons été habitués à l’extraordinaire, aussi le retour à un ordinaire qui en satisferai plus d’un nous paraît un peu fade.  


          Nous naviguons à proximité d’une ferme perlière et nous retrouvons un peu de civilisation ; les lieux sont bien gardés et des bateaux gris occupés par des gardes armés viennent à notre rencontre. La présence de speed boat laisse supposer que l’endroit est stratégique. Les lieux sont habités mais toujours pas de papous à l’horizon, seulement des hommes en tenue para militaire et des marins. Pour les coiffes à plumes et les étuis péniens il nous faudra aller voir ailleurs.

          Ce soir nous évoquons nos souvenirs d’enfance ; avec Alain nous échangeons nos expérience d’enfant de chœur qui pour moi remontent à plus de cinquante ans. Nous nous rappelons les concours d’encensoir ou les dégustations de vin de messe. Alain étant le plus jeune nous décidons à l’unanimité qu’il sera demain matin dimanche en charge des formalités religieuses qui seront à sa demande réduites à leur plus simple expression.


          Dimanche 12  février 2012.


          Comme d’habitude le réveil sonne à 7 heures. Alain a troqué l’aube et le surplis de dentelle pour sa combinaison de plongée et dès 7h30 nous sommes sur le site de channel island pour notre première immersion de la journée.

          Personne ne garde un souvenir ému de cette plongée, la visi n’est pas terrible avec beaucoup de plancton en suspension. Heureusement sur la fin cela s’améliore et nous traversons une belle zone avec des patates recouvertes de coraux violets. En prenant le temps d’observer la vie on déniche des bébés langoustes, des crevettes boxeuses et partout des poissons d’aquarium. Je l’ai déjà dit mais je le répète, depuis le début de nos aventures nous avons été très gâtés et dès que les plongées retrouvent une certaine normalité nous restons sur notre faim.


          A partir de maintenant les évènements comme le courant vont aller en s’accélérant pour atteindre leur paroxysme le 13 février en fin d’après midi. Mais nous n’en sommes pas encore là et reprenons le cours chronologique des choses.


          Pour la plongée de onze heures, je n’ai pas dit le bouillon bien qu’à posteriori j’aurai pu, nous allons sur le site de ROIBE. Dès le briefing Obe, le plus capé de nos guides, nous annonce qu’il peut y avoir des courants violents. Nous plongeons le long d’un mur où parfois les courants sont verticaux autant ascendants que descendants.  La consigne est de rester groupés et de ne pas s’éloigner du mur. Au début tout est calme mais en milieu de plongée les évènements s’accélèrent, et nous voyons Martine notre responsable de bord se faire chahutée par des courants descendants. Elle essaiera vainement de s’accrocher au mur et finira par se retrouver dans le grand bleu avant qu’une ascendance lui permette de se stabiliser et de remonter. Obe qui dirigeait sa palanquée remontera pour s’assurer que tout se terminait avec plus de peur que de mal.

          Les frayeurs passées il reste le souvenir d’une magnifique plongée au milieu de pitons rocheux recouverts de coraux. Les rayons du soleil jouent entre les pitons créant des effets d’ombre et de lumière. Nous croisons sur le chemin de la surface des perroquets à bosse gros comme des napoléons et des tortues qui viennent se ravitailler au garde manger du mur de corail.

          Pour aujourd’hui je décide d’en rester là. Depuis le départ mes oreilles ont été mises à rude épreuve et devant le programme alléchant qui nous attend je préfère être prudent. Cette année encore avec le camarade Nono nous jouons à celui qui utilisera le premier les gouttes pour les oreilles. Heureusement pour moi Nono était, est et restera le grand vainqueur de ce jeu stupide.


          Ce soir nous sortons pour dîner. Pas question d’aller bien loin il n’y a pas le moindre restaurant à moins de trois cents kilomètres, mais conformément à une tradition bien ancrée les membres de l’équipage sous la haute autorité de Rachid le cuisinier organisent la soirée sur un bout d’île déserte où ils transportent les plats et les boissons et font un grand feu pour cuire les poissons que nous dégusterons grillés.  

          Nous débarquons de l’annexe à la lueur des bougies allumées sur la plage. Chacun trouve une place sur une souche ou un vieux banc de bois. L’équipage a préparé un grand feu digne de la saint Jean, Dani est venu avec sa guitare, Rachid s’active pour cuire les poissons, son assistant s’époumone pour raviver les braises, Obe s’autorise une bière et chacun profite de la douceur de la nuit pour une fois non arrosée.


          Lundi 13 février 2012.


         

          Ce matin nous faisons nos deux premières plongées de la journée sur les sites de one tree rock et Ikancampur. Ces deux plongées  se ressemblent beaucoup avec comme d’habitude beaucoup de courant mais de très belles choses à voir notamment des tortues, des perroquets à bosse, un crabe araignée sur une ficelle de corail jaune, des bancs de barracudas, des mérous et encore une fois au palier un banc impressionnant de platax.

          Aux Maldives et aux Philippines nous avons déjà vu des platax par groupe d’une bonne dizaine, mais là d’abord ils sont énormes et en plus ils sont excessivement nombreux certainement plus de cinquante peut être cent. 


          Comme ils ne voient personne ils ne sont pas peureux et s’approchent facilement des plongeurs pour se laisser photographier et admirer sous tous les angles.


          Pour la troisième plongé du jour nous allons sur Cathedral Rock afin d’admirer les jeux de lumière dans les arches par N 00.09.346  E 130.04.771.

Nous étions repassés dans l’hémisphère nord. Nous ignorions alors les commentaires sur le site lus ensuite sur le bouquin acheté à l’aéroport de Manado. Je cite : « Cathedral Rock is an extremely dramatic site that should be attempted only by experienced divers in a mild current with flat seas ». Que nous ayons de l’expérience nul ne peut en douter, Alain a plus de deux mille plongées au compteur et Françoise la plus récente plongeuse du groupe en compte plus de deux cent cinquante. Ce que nous ne savions pas c’est que pour la première fois du séjour la mer n’était pas plate et que le courant était très violent. Nono toujours en délicatesse avec son oreille décide de nous attendre et trois palanquées sont constituées. Comme toujours je fais équipe avec Françoise Marnac et Alain, nous sommes accompagnés par Dani. La deuxième équipe comprend Michel, Paulette et Bernard accompagnés de Sargius, la troisième emmenée par les inséparables Obe et Martine compte Merlette, Marie et Pat.

Dès que nous nous mettons à l’eau nous constatons que le courant est excessivement violent et avec Alain et Françoise nous peinons à nous mettre à l’abri vers quinze mètres. Ma bouteille mal arrimée menace de se désolidariser de mon gilet et je dois me plaquer contre la paroi en attendant que Dani vienne à mon aide pour consolider le tout. Sur le chemin de l’arche nous l’équipe de Sargius qui nous fait signe que le courant est de plus en plus fort et qu’il fait demi tour. N’écoutant que son inconscience Dani décide pourtant de continuer bien que notre équipée ressemble plus à de la varappe qu’à de la plongée.  Divine surprise dans la cathédrale le courant se calme et pendant un court instant nous profitons des magnifiques effets de lumière sans nous douter des évènements tragiques du groupe conduit par Obe.

          Après dix minutes d’immersion Pat, Merlette, Marie, Martine et Obe se retrouvent pris dans une machine à laver, accrochés au fond, dans l’impossibilité de continuer la plongée. Ils décident alors de remonter. Pat est avec Martine, Obe avec Marie et Françoise seule. Les quatre premiers partent dans un sens tan disque Françoise emportée par le courant dérive dans un autre sens. Pendant la remontée Obe et Marie croise Sargius ; Marie reste avec lui et Obe part à la recherche de Françoise. Tout le monde se retrouve en surface sauf Françoise. Impossible de la retrouver ni sous l’eau ni en surface. Commence alors la longue recherche. Le Bobara ne s’éloigne pas trop de notre position d’entrée dans l’eau et fait des ronds entre  ce point et celui où Pat et Martine ont fait surface. Rien, désespérément rien. Après quarante cinq minutes, alors que les recherches ont commencé depuis près de trente minutes, ma palanquée largue son parachute et fait surface à l’endroit où nous avions plongé. Le Bobara vient immédiatement nous récupérer, les copains nous mettent au courant du problème et les recherches reprennent. Par radio l’équipage demande de l’aide au Paisubatu, et la petite annexe nous rejoint et élargit le champ des recherches. Malgré tous nos efforts toujours rien. Nono resté seul sur le gros bateau s’inquiète et par téléphone prend des nouvelles ; nous le tenons informé et lui confirmons que Marie est bien avec nous. Après plus de deux heures de vaines recherches le Paisubatu décide de se joindre à nous pour nous aider. Le capitaine décide de tracer des cercles beaucoup plus au large que nous. Tout l’équipage est à la vigie sur le toit du bateau, les guetteurs se repassent les jumelles. Grosse frayeur quand l’un d’eux confond une souche avec la Merlette, et puis soudain le miracle, Rachid pourtant équipé d’une paire de lunettes pour aveugle repère Françoise à plus de cinq cent mètres du bateau. Très rapidement elle fait de grands gestes avec les bras pour montrer qu’elle va bien. Immédiatement le capitaine nous prévient et sur le dhoni c’est une véritable explosion entre rires et larmes.  Nous prenons immédiatement le chemin  du retour et quand nous arrivons sur le Paisubatu nous retrouvons Françoise enveloppée dans des serviettes de bain et entourée de Nono et des membres de l’équipage, le héros du jour Rachid en tête. Elle est clame et raconte tranquillement n’avoir jamais douté, persuadée que tôt ou tard nous viendrions la récupérer. Sa seule inquiétude tenait à l’heure qui avançait inexorablement et à la nuit qui ne tarderait pas à tomber. Pour attendre elle a essayé de se mettre le moins inconfortablement  possible, larguant sa ceinture de plomb et gonflant bien son gilet pour caller la tête. Il lui restait à prendre patience et à espérer que les yeux de Rachid feraient un petit miracle.


          Pour ce soir pas de plongée de nuit ; à l’heure de notre traditionnel apéritif nous nous retrouvons tous sur le pont supérieur pour fêter la miraculée et le héros du jour, mais aussi pour parler et évacuer le stress qui nous a tous tenaillé pendant plus de trois heures. L’apéritif aidant les langues se délient et chacun peu à peu retrouve un peu de calme ; cependant pour tous la nuit sera longue et les mauvais rêves n’auront pas pour unique cause les flic flac de la pluie tombant sur le pont.


          De tout cela il faut essayer de retirer quelques leçons. D’abord les règles élémentaires de sécurité doivent être scrupuleusement respectées ce qui n’a pas été toujours le cas. Quand une palanquée se divise et que l’un de ses membres remonte tous les plongeurs doivent remonter immédiatement et sans discussion. Ensuite et quelque soit son niveau ou l’équipement de ses partenaires il faut toujours plonger avec ses propres accessoires de sécurité, lampe et parachute de palier qu’il ne faut pas laisser dans la panière à bord du bateau ou sur le fil de séchage dans sa grange, où au fond de l’eau pour l’avoir perdu faute de fermer la poche de sa stable. Enfin, même si ce dernier élément ne dépend pas du respect de règles matérielles, il faut toujours garder espoir même quand la situation paraît compromise.


          Mardi 14 février 2012.


          Ce matin pour ne pas changer il pleut comme vache qui pisse.  Profitant d’une petite accalmie vous partons avec le dohni pour explorer le site où nous avons passé la nuit. L’endroit est absolument extravagant ; une nature totalement vierge dans un décor de pitons rocheux recouverts d’une végétation équatoriale exubérante, une forêt dense à ne pas pouvoir la pénétrer, des orchidées roses et violettes qui pendent au dessus des flots, dans le ciel les aigles pêcheurs tournent à la recherche de leur déjeuner et dans l’eau un bébé raie manta vient nager près de la coque. Nous sommes dans un décor inimaginable et il est bien dommage qu’un petit rayon de soleil ne vienne pas apporter un peu de lumière qui aurait transformer la beauté en miracle.

          Nous continuons à jouer à saute moutons avec l’équateur ; hier nous étions au nord nous revoilà au sud au point GPS : S 00.04.33  E 130.O5.200.

Deux plongées sont au programme, la première sur le site de Two hum rock, la seconde sur celui de Black Rock. Françoise prend une décision courageuse, elle décide de replonger sans attendre d’avoir un peu digéré les évènements de la veille. Si elle voulait vraiment repongler c’était maintenant  ou jamais et elle a eu le courage et la lucidité de prendre la bonne décision. Dire qu’elle était décontractée serait un doux euphémisme, elle n’en menait vraiment pas large mais la chance était avec nous et pour ces deux plongées de réadaptation et celles qui suivront nous aurons enfin des conditions favorables, le courant s’est calmé, la mer est plate, la lumière est belle et les poissons toujours aussi nombreux.  

          Pendant notre première plongée du jour nous verrons de nombreuses murènes, et comme d’habitude des bancs de poissons de récif. Sur la fin nous logeons un mur recouvert de coraux durs et mous. Pas la moindre fissure, pas le moindre interstice qui ne soit le réceptacle d’une pousse de corail. A croire que l’architecte du musée des arts premiers du quai Branly s’est inspiré des fonds de Papouasie pour le mur végétal du bâtiment.

          Au cours de la seconde plongée nous donnons dans le tout petit ; le poisson feuille, le poisson fantôme, le crabe poilu rouge et le juvénile orange et blanc sont au menu pour le plaisir des yeux.

          Ma combinaison qui déjà avant le départ donnait des signes de fatigue est entrain de rendre l’âme. Je profite d’un moment de calme sur le pont supérieur pour entreprendre à l’heure de la sieste des travaux d’aiguille avec le matériel récupérer dans les hôtels et qui ne quitte jamais ma trousse de toilette, le tout sous l’œil attentif et critique de Marie. Je suis assez fier du résultat ma combinaison ayant tenu jusqu’à la fin du séjour avant de faire le bonheur d’un guide indonésien qui pourra toujours la transformer en shorty.   

         

          Pour la fin de journée Martine a organisé une visite de la ferme perlière et nous partons tous avec le Bobara pour cette découverte. Le débarquement ressemble fort à celui effectué à Bay Bay, la pluie en moins. Pour atteindre le quai nous devons escalader des pneus avant de nous hisser sur le sol par la force des bras. Pas de chance pour nous, Martine et la responsable de la ferme ne se sont comprises et quand nous arrivons il n’est plus possible d’effectuer la visite. Nous ravalons notre curiosité et laissons les dollars au fond des poches. Pour les éventuels achats il nous faudra revenir une prochaine fois.

          De retour sur le bateau il nous faut solutionner une alternative : soit nous partons maintenant pour manta point et nous aurons une nuit calme soit les forcenés font leur plongée de nuit et nous devrons naviguer entre minuit et six heures du matin.  Préférant le calme d’une douce nuit aux possibles découvertes de la plongée de nuit Alain et Françoise nous rejoignent sur le pont et après le goûter nous partons pour Manta Point. J’en profite pour continuer le visionnage des films et après Michel Vaillant et Mort à Venise j’attaque Intouchables piraté par la famille Picard et transféré en toute illégalité sur mon ordinateur. J’avais vu le film à sa sortie en salle mais je reprends plaisir au numéro d’acteur d’Omar Sy et de François Cluzel même s’il ne faut pas transformer en chef d’œuvre un vrai succès populaire.


          Mercredi 15 février 2012.


          Aujourd’hui est un grand jour, nous avons rendez vous avec les mantas.  Pour préserver mon oreille je ne fais pas la première plongée préférant faire l’impasse et être en forme pour les raies.

          Vers onze heures nous plongeons tous ensemble sur le spot et nous nous posons sur le sable à dix huit mètres de profondeur. Devant nous des patates recouvertes de corail. Avant même de voir les mantas nous dénichons  un énorme mérou sous une roche. L’attente n’est pas longue et après cinq minutes de patience nous voyons arriver la première manta. Elle est blanche avec son rémora sous le ventre et tout autour des petits poissons jaunes dans le rôle de nettoyeurs de parasites. Cette manta tourne et retourne autour de la patate, nous passant à moins de cinq mètres et se faisant admirer sous toutes les coutures. Rapidement d’autres spécimens viennent se joindre à la fête et bientôt nous sommes entourés par sept mantas, six au ventre blanc et une au ventre noir. Souvent nous avons vu des mantas, aux Maldives  notamment mais aussi aux Philippines mais jamais d’aussi près. Cette fois elles viennent voler au dessus de nos têtes, passant dans un sens et repassant dans l’autre sans aucune appréhension mais au contraire avec curiosité. C’est à se demander si finalement les mantas ne sont pas aussi curieuses que nous. Au bout de soixante dix minutes nous devons nous rendre à l’évidence, le manomètre est sur la réserve et nous devons remonter. Dommage si nous avions eu des bouteilles plus grandes nous serions restés plus longtemps. On ne se lasse pas d’un pareil spectacle. 


          Pour la dernière plongée du jour nous visitons le site de Kap Kri, malheureusement la visibilité est  très moyenne ce qui pourtant ne nous empêche pas de croiser la route à quatre reprise d’un requin pointe noire et de traverser des bancs de poissons aussi denses que les bancs de sardine en Afrique du Sud pendant le sardine run.

          Petit moment nostalgie : quand nous nous retrouvons sur le pont le soir après la dernière plongée nous profitons un vrai moment d’amitié partagée. Chacun respecte son voisin, les discussions sont sereines mais riches, nous évoquons nos souvenirs communs qui commencent à être nombreux mais aussi nos préoccupations du moment, nos projets pour les prochaines vacances ou les futurs séjours plongée. Depuis que nous nous connaissons il n’y a jamais eu la moindre prise de bec ou le plus petit quiproquo. Ensemble nous sommes en harmonie et chacun en a bien conscience. Vivement l’année prochaine.

          Depuis le sauvetage de Françoise les membres d’équipage sont souvent présents avec nous et Rachid n’est pas le dernier à nous retrouver même s’il a toujours su garder une discrétion qui l’honore. On sent qu’il est fier de lui et chacun lui est reconnaissant de son moment de gloire passagère.

          Demain sera notre dernier jour, le moment n’est pas encore venu de faire les bagages mais chacun sait bien que le sablier coule inexorablement. Profitons de l’instant présent et de la dernière plongée qui nous reste.



          Jeudi 16 février 2012.


          Pour notre dernière journée il est prévu une plongée matinale sur le site de Sardine Reef avant une longue traversée pour rejoindre Sorong et la vie terrestre. Pour respecter les délais avant de pouvoir reprendre l’avion en toute sécurité nous devons plonger de bonne heure ; mais Martine et Obe sont partis avec la petite annexe et nous devons prendre l’organisation en main. Avec l’aide des guides nous embarquons sur le Bobara en apportant les gâteaux secs et les thermos de café. Après trente minutes de navigation nous sommes sur le site pour une plongée qui restera dans les annales. ( GPS : S 00.32.006  E 130.42.977 ) La lecture à posteriori du bouquin sur les sites de la région confirme les impressions vécues ; Sardine Reef est l’un des plus poissonneux site de plongée dans toute la région de Raja Ampa, et quand Max Ammer a découvert le site il a cru que les bancs de poissons étaient composés de sardines d’où le nom. Actuellement il n’y a pas de sardines à cet endroit ni ailleurs dans la région. En outre le site doit être visité avec un léger courant pour apprécier son extraordinaire biomasse.     

          Dès notre mise à l’eau nous ressentons un peu de courant mais juste pour le fun ; nous tombons nez à nez avec un banc de seize perroquets à bosse, nous croisons un banc de barracudas nageant à contre courant et se fichant totalement de notre présence. Dans le bleu les requins pointe noire observent la situation alors que nous avons les yeux fixés sur la paroi pour observer les nudibranches. Pour la dernière plongée du séjour nous avons droit à un vrai festival.

          Remontés à bord et sur le chemin du retour nous avons tout le temps de déguster les gâteaux secs en buvant un café avec le sentiment du plongeur repu.

          Après le petit déjeuner vient le temps de penser à ranger ses affaires ; l’équipage a transféré tout notre matériel sur le Paisubatu, a tout rincé à l’eau douce et tout étendu en espérant que tout sera sec à notre arrivée à Sorong prévue pour le milieu de l’après midi. La chance est avec nous et pour une fois le soleil brille jouant à merveille son rôle de sèche linge.

          En début d’après midi nous arrivons à destination et décidons d’aller nous dégourdir les jambes en ville et si possible visiter le marché local. Dani toujours disponible vient avec nous pour jouer les jolis cœurs en ville ; sa présence nous sera bien utile pour prendre le taxi qui conduit jusqu’au marché. Le premier bâtiment rencontré est une église catholique, présence surprenante dans le plus grand pays musulman au monde. Cette église n’est pas la seule que nous croiserons et au retour nous en verrons une autre, preuve d’une communauté catholique dans cette partie de l’Indonésie.

          Le marché se tient des deux côtés de la rue et les étalages sont souvent  posés à même le sol ou sur des tréteaux installés sur les trottoirs. Le marché aux poissons se tient dans un bâtiment spécial et on y trouve tous les espèces rencontrées pendant nos plongées, barracudas et autres platax notamment. Les fruits, légumes, œufs ne manquent pas et les bananes, pamplemousses, piments, citrons, oranges, tomates, oignons, haricots, ail et plantes en tous genres forment le principal des étalages.  

          Sur le chemin du port nous faisons halte dans un super marché qui ressemble à tous ses petits frères européens sauf qu’à l’étage on peut acheter des poissons d’aquarium. Au dernier niveau tout un espace est réservé aux enfants avec des personnages en plastique digne de Disney Land, au premier on trouve le rayon des vêtements pour hommes et femmes et au rez-de-chaussée les caisses et l’alimentation. Le rayon boulangerie pâtisserie est surprenant avec du pain ressemblant à de la baguette et des gâteaux aux couleurs vives, débordant de crème et exposés sous des lumières fluorescentes.   

          Pour rentrer au port et retrouver les amis rester sur le Paisubatu nous nous engouffrons à huit dans un taxi prévu pour cinq mais Dani avec quelques billets sait convaincre le chauffeur. Le bateau est à quai profitant de l’escale pour faire les pleins de carburant et d’eau, sur le quai les vendeurs ambulants viennent proposer leurs fringues et chaussures de sport de contrefaçon à des prix imbattables.

          Sur l’eau on peut voir toutes sortes d’embarcation allant du bateau flambant neuf de la police, au petit cargo dont certains accusent un âge avancé, à l’épave qui attend de couler et à la coquille de noix faite d’un demi bidon et d’une planche en guise de rame.

          Pour ce dernier soir nous regagnons notre mouillage, près des autres bateaux de croisière qui attendent les plongeurs arrivant par l’avion de demain après midi. La dernière sera peut être chaude mais elle sera calme.


          Vendredi 17 février 2012.


          Ce matin nous entamons notre long, très long voyage de retour ; les avions ayant souvent des horaires fantaisistes nous pris la précaution de faire escale à Manado plutôt que de risquer de louper le vol de Singapour. Comme souvent les adieux sont difficiles, mais cette fois ci Rachid a une petite larme à l’œil. Outre le fait d’être un très bon cuisinier ce garçon est gentil et sensible. Depuis le maintenant fameux treize février nous mesurons bien ce que Françoise et toute l’équipe lui doivent.

          A l’aéroport de Sorong Paulette trouve une boutique locale et elle ne résiste pas à l’achat de quelques étuis péniens, accessoires indispensables à tout bal costumé qui se respecte.

          Après des formalités et un vol sans histoire nous rejoignons le novotel de Manado à l’heure du déjeuner. Le retour à la civilisation est brutale, connexion wifi, chambres confortables, air climatisé, piscine, golf, massages et centre de conférences dont nous n’avons rien à faire. Par contre nous profiterons de la piscine et du centre de massage, du bar, du restaurant et d’internet. Alain fait du tri dans ces innombrables messages, je prends des nouvelles du monde et des derniers sondages français et relève les petits mots tendres envoyés par la famille. Tout aurait été parfait si le service notamment au bar n’avait pas été si long.

  Voila nous sommes arrivés au terme de nos aventures indonésiennes en Papouasie ; il nous reste une longue escale à Singapour, douze heures de vol avant de retrouver la réalité du quotidien. Jamais nous n’oublierons les fabuleuses plongée mais dans toutes les têtes quand nos évoquerons la Papouasie ce nom sera synonyme de miracle, une petite tête blonde perdue au milieu de l’océan retrouvée par les yeux d’un cuisinier myope comme une taupe.





                                                                               Empuriabrava le 4juin 2012.